Les dettes sont ce que les Algériens redoutent le plus : mourir endetté, disent-ils, est la pire chose qui puisse arriver à un honnête homme soucieux de quitter ce monde en règle avec lui-même et avec les autres. Nnsed dyuni (je veux régler mes dettes), ssed dyunak (règle tes dettes), ma tkhelliche dîn yet'la' a'lik (ne laisse pas les dettes s?accumuler), au propre «ne laisse pas les dettes te chevaucher» comme s'il s'agissait d'une personne qui vous saute au dos, à la manière de Boubarek, le fantôme qui assaille les dormeurs... En kabyle, le mot «dette» se confond avec le mot «emprunt» : arett'al. Autrement dit, chose empruntée doit être rendue ! Ici aussi, on met en garde contre les dettes qui poursuivent celui qui les contracte jusqu'à ce qu'il les règle. Les langues algériennes emploient aussi le français lidit (les dettes), avec le même sens et surtout les mêmes appréhensions. Le mot a servi de base à la formation d'un verbe de qualité, mditi (être endetté) rani mditi (je suis endetté), mat mditi (il est mort endetté) etc. Bien entendu, les proverbes sur les dettes sont nombreux. Ils insistent tous sur la nécessité de les éviter et, si on les a contractées, de les régler au plus vite. En voici quelques-uns : «Elli sellak ddinu, tarqa 'aynu» (celui qui paye ses dettes, son ?il peut dormir, c'est-à-dire n'a plus à se faire de souci). On dit aussi, en termes très proches : «Elli sellek ddînu, teghfi aynu» (celui qui paye ses dettes peut goûter au sommeil). Mais qui veut payer ses dettes ou éviter d'en avoir doit savoir régler ses dépenses, se passer du superflu, dont l'envie peut pousser justement à emprunter. C'est ce que dit ce proverbe : «Bat bla l?hem, tes'bah' bla ddîn» (dors sans manger de viande, tu te lèveras, au matin, sans dette). Dans la tradition algérienne, il est louable, pour un créancier, de ne pas harceler les gens à qui on a fait des prêts, mais on a aussi le droit de réclamer son dû et, pour l?obtenir, de faire intervenir la force publique !