Résumé de la 1re partie Un soir d?automne dans une rue de Marseille, un vieillard s?effondre, l?ambulance le conduit à l?hôpital où le drame va suivre son cours. Le colonel signe une permission. Il est 8 heures du soir. Avec l'aide de la Croix-Rouge, on trouve une place dans un avion sanitaire, jusqu'à Genève. A 10 heures du soir, à Genève, le soldat attrape un vol sur Marseille. A 11h 20, il est dans un taxi, à 11h 40, il est à l'hôpital, et le voilà enfin dans le couloir blanc qui mène à la chambre blanche où le vieillard l'attend. L'infirmier lui serre la main et s'en va, laissant seuls le père et son fils. Le père est sous une tente à oxygène. Son regard flou s'accroche à la silhouette en uniforme debout devant son lit ; l'une de ses mains se tend péniblement. Le fils a une seconde d'hésitation puis il s'approche. Sa grande main ferme saisit les doigts fragiles. Il s'assoit et ne bouge plus. Les heures passent, lentement. Le vieillard a les traits reposés, détendus. Deux ou trois fois, il a tenté de parIer, mais sa voix ne résonne plus. Il a seulement murmuré le prénom de son fils, «Jean», le reste, il le dit avec sa main, que la main du soldat ne lâche pas. Et le soldat veille. Le fils veille. Il calme les terreurs soudaines de son vieux père. Il essuie le front en sueur, il dit des choses rassurantes. Par moments, une infirmière vient, regarde les instruments, vérifie le goutte-à-goutte, puis se retire sur la pointe des pieds avec un sourire peiné. A présent, le vieil homme ne lutte plus. Il n'a plus mal nulle part. On a soulagé sa fin, on l'aide à respirer. On l'aide à mourir dans le calme. C'est tout ce qu'on peut faire, mais c'est déjà bien, qu'il ait son fils près de lui. Même s'il ne peut plus le distinguer, il sent la présence de ce corps solide, vivant. Il est 5 heures du matin et les deux mains, la vieille et la jeune, ne se sont pas quittées. Il est 5 heures du matin, et l'aube du 20 octobre 1962 se lève sur Marseille. Le souffle du vieillard s'est arrêté. Sa main a relâché sa pression. L'infirmière entre, elle tourne un bouton, débranche un appareil. C'est fini. Doucement le soldat dégage sa main et regarde une dernière fois la mort en face. L'infirmière dit : «C'est fini, monsieur, votre père est mort calmement grâce à vous, revenez plus tard pour les formalités, car il faut vous reposer !» Alors le soldat la regarde. C'est un grand garçon aux cheveux courts, aux yeux tranquilles ; il a vingt-deux ans, et il dit : «Ce n'était pas mon père, mademoiselle, je ne l'avais jamais vu de ma vie. Il faut que vous préveniez sa famille, moi, je ne la connais pas. ? Mais pourquoi n'avez-vous rien dit ?Qui êtes-vous ?» Il n'avait rien dit parce qu'en entrant dans cette chambre il s'était rendu compte en même temps que cet homme n'était pas son père, mais qu'il avait besoin d'un fils pour mourir. Seulement d'un fils. Il pouvait être ce fils, le temps d'une nuit, alors il est resté. Pour le reste, l'erreur est simple et bête. On avait transmis le message au matricule 46023, soldat Valin Jacques, c'est-à-dire lui. Une erreur compréhensible, car le véritable fils portait un numéro matricule voisin et s'appelait Galin Jean, avec un G. Alors Jacques, avait été Jean pour la nuit, une longue nuit silencieuse, entre père et fils. Une nuit hors du temps, librement consentie, universelle et symbolique. Sous l'?il ébahi du personnel de l'hôpital, le soldat Jacques Valin est reparti comme il était venu. Il avait donné la tendresse, les formalités ne le concernaient pas.