Le raï n?a pas de définition précise ; c?est tout simplement un genre musical qui se veut à l?écoute d?une jeunesse dés?uvrée et en proie à l?incertitude. D?abord qu?est-ce que le raï ? Que signifie-t- il ? En somme, Il n?y a pas de définition précise, spécifique à donner au mot, si ce n?est de dire qu?il s?agit, littéralement de l?acte d?émettre un avis, de formuler une opinion. Autrefois, les vieux des villages algériens, dits sages, se réunissaient, discutaient autour d?un objet et donnaient leur avis ; toute personne venue chercher des conseils, des avis auprès des aînés trouvait réponse. C?est peut-être de cet acte «illocutoire» qu?est né le raï. Le raï, tel que perçu aujourd?hui sur le plan musical, artistique et culturel, fait son apparition au siècle dernier en Oranie. Hérité de différentes formes de poésie, le raï était chanté essentiellement dans les souks (marchés publics), les mariages et autres cérémonies, telles les circoncisions. C?était, à l?origine, une musique qui s?exprimait principalement sur un fond de percussions (derbouka ou bendir) et de flûte de roseau. C?était la musique bédouine. Plus tard, vers les années 1950, cette musique, d?abord traditionnelle, commença à s?étendre et à prendre de plus grandes proportions. Elle rassemblait autour de ce fait musical de nombreux cheikhs et cheikhate, comme la cheikha Remiti, devenue, des années plus tard, la diva de la chanson raï. Pendant la période coloniale, le raï était une forme musicale pratiquée au sein d?un cercle, à l?image d?ailleurs des musiques traditionnelles. Il était, de plus, spécifique à une région et à nulle autre : l?Oranie. Ce n?est qu?au lendemain de l?Indépendance, au moment où l?Algérie commençait à recouvrer ses composantes culturelles, que le raï explose et s?étend à tout le pays, d?Est en Ouest. Il sort complètement de son ghetto. Il n?est plus une musique exercée seulement au sein d?un cercle et dans les marchés publics. Il change carrément de lieux et sera alors chanté dans les cabarets. Il devient alors une musique de nuit, de lieux intimes, feutrés et lascifs. En outre, il tend à se moderniser, s?inspirant d?influences musicales orientales et de sonorités occidentales. Les instruments traditionnels sont peu à peu remplacés par d?autres, modernes et électrifiés. Dans les années 1970, l?on parle de «pop raï» avec notamment Messaoud Belloumou, Boutaïba? Quelques années plus tard, à l?avènement des années 1980, la nouvelle génération introduit dans ses compositions musicales le synthétiseur et la boîte à rythmes, donnant au raï de nouvelles tonalités et d?accents plus festifs. Etant taboue et interdite, cette musique était censurée à la radio et à la télévision. Chanter l?amour, les filles, le sexe, l?alcool, et les vicissitudes de la vie était totalement prohibé. Pour les chantres du conservatisme, le raï est une musique vulgaire, incitant à la débauche. Côté «soft» il existe quelques représentants comme Raïna Raï, le mythique groupe de Sidi Bel Abbes qui, pour bon nombre d?observateurs avisés, chante un raï «propre», un genre de «raï-blues». En tout état de cause, le raï a, de tout temps, été taxé de licencieux et restait cantonné dans un milieu très restreint, jusqu?au jour où il gagna une autre dimension et une grande popularité, sortant ainsi de son carcan. Ce changement survient avec le changement de régime politique.