Sentence «Nous sommes dans un pays sismique. Il faut apprendre à vivre avec.» Cette phrase revient tel un leitmotiv à chaque fois que se produit une secousse ou une réplique, termes désormais familiers aux Algériens. Il n?y a pas très longtemps que les Algériens, ceux habitant le Nord particulièrement, ont appris cette vérité, à savoir qu?ils ont en permanence les pieds sur une terre qui risque à tout moment de bouger les propulsant, en une fraction de seconde, vers un autre monde. Avec cette découverte, faite non pas dans la sérénité mais dans le deuil et la mort un certain 10 octobre 1980, suivi par d?autres dates tout aussi dramatiques, les Algériens ont commencé à ressentir une nouvelle peur : celle de mourir brutalement, dans leur salle de bains, leur lit ou encore au bureau. Des morts, des blessés et des sinistrés, il y en a eu depuis. Les dissertations sur un sujet relégué jusque-là à l?arrière-plan des préoccupations de tous étaient désormais à la mode. Des spécialistes, dont on ignorait jusqu?à l?existence, devenaient célèbres. Invités sur le plateau de télévision, ils disséquaient le sujet en long et en large à l?attention du citoyen. Avide de tout ce qui peut l?informer et le rassurer, celui-ci se découvre un téléspectateur assidu et fidèle à l?Entv. «Nous vivons dans un pays situé dans une zone sismique et nous devons apprendre à vivre avec.» C?est ce qu?on lui dit à travers ce canal officiel. Vivre avec, qui ne le voudrait pas ? Mais suffit-il de le vouloir ? Que fait-on pour que les Algériens puissent cohabiter pacifiquement et sans trop de pertes avec le séisme ? «Vivre avec» n?est pas une prouesse à réaliser par la seule volonté de l?esprit. C?est une politique à court, moyen et long termes dans tous les domaines. Elle est d?abord à réfléchir au niveau de l?urbanisme évidemment et à ce niveau, le séisme du 21 mai 2003 a démontré que les leçons n?ont pas été tirées depuis 1980. Elle est ensuite à penser au niveau de la communication. Le grand déficit dans ce domaine a créé une crise de confiance à tel point que même ce que disent les spécialistes est reçu avec scepticisme tout simplement parce que ces derniers s?expriment à travers le canal gouvernemental officiel qu?est la télévision. Cette politique doit également se traduire à l?école. Là, les enfants doivent apprendre les premiers gestes à adopter, les réflexes à avoir en cas de secousse et qui ne se résument certainement pas à courir vers l?extérieur comme le font aujourd?hui encore grands et petits. Où ailleurs qu?à l?école les enfants peuvent-ils apprendre à apprivoiser leur peur et à adopter l?attitude la moins dangereuse pour eux ? Avant d?exiger du citoyen qu?il «apprenne à vivre avec», les pouvoirs publics devraient d?abord assumer toutes leurs responsabilités dans cet apprentissage.