Passion «C'est pas l'homme qui prend la mer. C'est la mer qui prend l'homme», déclame le chanteur soixante-huitard français Renaud. Ce couplet s'applique parfaitement aux habitants d'Arzew qui sont pris par la mer en s'adonnant aux loisirs et aux plaisirs de la pêche. Ils sont de plus en plus nombreux les Arzewiens qui pratiquent la pêche à la ligne, non pour subsister mais beaucoup plus pour «meubler» leur quotidien quelque peu maussade, et en faire leur violon d'Ingres et sport favori, question de passe-temps. Ils sont reconnaissables à leurs tenues étanches, à leurs bottes en caoutchouc et à leurs bonnets en laine. Dans un panier en plastique, ils entassent toute la panoplie de fortune du parfait pêcheur : des hameçons, des appâts, du fil de pêche et quelques victuailles pour tromper la faim. Chacun d'eux s'arme d'une canne à pêche en fonction de ses moyens. Les uns préfèrent les belles cannes télescopiques avec un moulinet ultramoderne. Les autres se contentent d'une longue perche en bambou qu'ils ont préalablement «adaptée» pour les besoins de ce sport. Pratiquement tous les jours ? et surtout les week-ends ? les amateurs de pêche à la ligne se rendent à la corniche d'Arzew, où les endroits propices à la pêche sont nombreux. Les différentes criques et les différents rochers qu'abrite ce site sont autant de coins prisés par ceux qui taquinent le goujon. Ils s'y rendent en voiture, par bus ou tout simplement à pied. Juste à la sortie du port, la route, qui mène vers le Cap Carbon, ? petit village caché par la route sinueuse que l'on atteint après la Fontaine des Gazelles ? est clairsemée d'endroits constamment occupés, jusqu'à une heure avancée du jour, et parfois de la nuit, par ces adeptes de la ligne. Mohamed, sexagénaire et ex-docker, a toujours pratiqué la pêche à ses moments perdus. Depuis sa mise à la retraite, il a ressenti plus que jamais ce plaisir de pêcher, qui, lentement, s'est transformé en une véritable passion au point d'y consacrer tout son temps. «Depuis trois années, je fais pratiquement les mêmes gestes chaque matin. Je quitte la cité Les Chevriers où je réside, pour venir pêcher toujours à cet endroit. Cette pratique me permet d'oublier mes petits soucis et aussi de m'évader», dit-il en souriant, emmitouflé dans une parka usée, héritée de la période où il travaillait encore au port. Mohamed regrette les années 60 où l'accès au port et à la pêcherie était facile. «Avant, la mer faisait partie de la ville. Il n'y avait pas toutes ces murailles infranchissables qui ceignent actuellement le port et la zone industrielle. Il suffisait de faire quelques pas pour se retrouver près du rivage. Les pêcheurs étaient très nombreux en ce temps-là. On allait jusqu'à se partager les prises. Les poissons, grillés à la braise, étaient consommés sur place», se souvient-il. Un autre vieil homme explique, à son tour, que la pêche est une habitude bien ancrée chez lui. Il se définit comme «un drogué de la Grande Bleue». Pour lui, ce ne sont pas les «fruits» de la pêche qui l'intéressent le plus, mais c'est surtout cette possibilité de se concentrer, de faire preuve d'une patience indéfectible et de s'arracher momentanément des tracas de ce bas monde.