"L?image" «Dieu qu?elle est merveilleuse !». Soudain, les bruits de la salle se meurent, les visages, quelques instants auparavant d?une netteté presque agressive, s?effacent. Plus rien n?existe pour lui que cette tête adorable, ce sourire terriblement communicatif, ce regard pétillant de vie et d?intelli-gence. Hafid Senouci n?avait, de sa vie d?homme et d?enseignant, éprouvé pareils sentiments. cela faisait plus d?une semaine qu?il se préparait à cet instant, devenu pourtant routinier pour lui, de prise de contact avec ses nouveaux élèves, mais à aucun moment, il ne s?était douté du séisme qu?il était en train de vivre. Bouleversé, il détache péniblement son regard de la jeune fille qui, visiblement, ne remarque rien de l?attention particulière dont elle est l?objet. maîtrisant son trouble, il adresse à ses étudiants les habituelles paroles de bienvenue et d?encouragement. En revanche, il déroge à ses habitudes en leur demandant de décliner à tour de rôle, leurs nom et prénoms. Evidemment, il n?en retient aucun si ce n?est celui qui l?intéresse «Soraya». Il ne lui était jamais arrivé de penser à quel point un prénom pouvait être beau, musical et si porteur de promesses. L?heure prévue pour cette première prise de contact passe sans qu?il puisse jamais dire comment. pareil pour les autres cours dans les autres classes du lycée. La journée prend fin, hafid range ses affaires et rentre chez lui accompagné d?une image qui l?obsède. «Pas pour longtemps», espère-t-il. Ce en quoi, il fait tôt de réaliser qu?il se trompe. Au fil des jours, sa passion ne fait qu?accroître son grand désarroi. Il essaie de se convaincre que c?est un sentiment sans lendemain qu?il nourrit pour cette jeune fille qui, non seulement se trouve être son élève, mais encore sa cadette de dix ans. Rien n?y fait. Bien au contraire, plus les jours passent et plus il découvre, avec émerveillement, que Soraya n?est pas seulement belle, c?est aussi une étudiante brillante qui sort franchement du lot. Sa passion d?homme solitaire ne fait alors qu?augmenter de jour en jour. Il a désormais l?impression que sa vie n?a de sens que lorsqu?elle est là, en face de lui, à l?écouter disserter sur Zola ou Flaubert en fixant sur lui ses grands yeux si intelligents, mais qui peuvent être également si doux ! En dehors de ces moments-là, Hafid s?efforce de s?intéresser à ses autres élèves, à ses autres occupations, mais, en réalité, ses journées ne sont qu?une longue attente du moment où il pourra enfin la voir. Le soir, une fois sa journée finie, il rentre chez lui comme à son habitude dans cette petite ville où même un célibataire n?a pas où aller. Après avoir avalé un repas léger, il s?installe devant son écran de télévision et tente de fixer son attention sur un programme quelconque. Il n?y arrive que pour des laps de temps très courts car sa pensée s?envole aussitôt vers Soraya. Il essaie d?imaginer ce qu?elle fait et se demande s?il lui arrive de penser parfois à lui. C?est au cours de l?un de ces soirs qu?il décide de lui parler. La situation ne peut pas continuer ainsi pour lui. Tout en étant parfaitement conscient qu?il court un gros risque car ne pouvant prévoir la réaction de la jeune fille qui peut simplement mettre en danger sa carrière d?enseignant jusque-là exemplaire, il sait qu?il ne peut faire autrement que de lui parler. (à suivres..)