Ce qui s?est passé hier au quartier de Bourouba et à Chéraga, il y a quelques jours, relance les folles rumeurs sur les enlèvements d?enfants. Cycliquement, des hypothèses jamais confirmées font état de trafic d?organes. A qui profitent ces rumeurs ? Lundi 12h45. La mère de M?barka envoie un enfant chercher sa fille et son cousin chez la voisine, la mère de Wissam. Celle-ci dit ne pas les avoir vus pas plus que sa propre fille depuis qu?elle les a récupérés de la mosquée, elle qui croyait que les trois petits jouaient ensemble dans la cour. Où sont-ils ? Les recherches commencent. Chez les autres voisins, chez les épiciers, dans les ruelles serpentées, à l?école coranique, dans le terrain vague et même dans la «lointaine Bachdjarah» ?Nulle trace des enfants. La peur s?installe. On commence à perdre patience. 15h 15, un jeune de la famille Rahmouni décide d?alerter la police. La brigade de Bourouba lance immédiatement un avis de recherches. 17h 35, à l?heure de la prière du maghreb, tout le quartier est en ébullition. Chez les familles Ammam et Rahmouni, on tient le même langage : «Les enfants ont été kidnappés !» se lamente-t-on à l?unisson. La nouvelle se répand telle une traînée de poudre. Tout Bourouba est à la recherche de deux filles et d?un garçon. Leur point commun, tous les trois avaient un bout de pain à la main. «A la tombée de la nuit, j?ai su que je n?allais plus revoir ma fille», nous dit le père de Wissam. «On téléphonait à la famille pour savoir si, par hasard, un parent n?avait pas pris les enfants sans nous aviser. En vain», renchérissait-il. 3h, Abderahmane, Laâmouri et Khemisti ont pris la direction des taudis installés devant la voie ferrée de Semar (Gué de Constantine). Là il existe des femmes sur lesquelles pèsent tous les soupçons : ce sont les «guezanate», sorte de tziganes dont on évoque à tort ou à raison le côté maléfique. Les trois malheureux pères épiaient les lieux jusqu?à 8 h. «On a décidé de retourner et de faire des recherches dans le quartier.» Mardi, 10h 30. Khemisti, le père de Abdelfetah et son épouse, lancent expressément un SOS sur les ondes de la Chaîne I. Un appel de détresse vite relayé par la Radio El-Bahdja. Désormais toute l?Algérie est au courant et attend patiemment un heureux dénouement. Au bloc I dans ce bouillonnant Bourouba, laminé par la spirale terroriste durant les années de sang, la tension monte d?un cran à mesure que les minutes s?égrènent. Une évidence est sur les lèvres : les enfants ont été kidnappés. Mais par qui et pour quelle finalité ? Des groupes d?hommes de tous âges n?ont, toute la nuit, que ce sujet de discussion. Les bisbilles habituelles entre fans de L?USMH et du NAHD, deux clubs se disputant depuis de longues années le tout Bourouba, n?ont plus droit de cité. Cette fois, c?est plus sérieux, c?est plus grave. «Ne trouvez-vous pas ça normal ? Nous avons tous des enfants en bas âge et nous avons tous la peur au ventre» faisait constater un sexagénaire entouré d?une dizaine de voisins. 4h, les recherches continuent et aucune parcelle n?est oubliée. Tout est passé au peigne fin. Coup de théâtre, Wissam, Abdelatif et M?barka sont retrouvés entassés dans un frigo-comptoir en panne abandonné par son propriétaire, boucher, et devenue une sorte de gros jouet pour les badauds du coin. C?est un petit et turbulent garçon qui a fait la découverte macabre. «Il habite l?autre bloc et est allé vite avertir des jeunes qui étaient dans les parages. Au premier contact, il croyait voir de grosses poupées tellement les visages étaient méconnaissables», raconte Ammam Abderahmane père de la petite Wissam, terrassé par le choc après ce qu?il vient d?endurer, lui menuisier de 41 ans et père de 5 filles. Le «6e» est alerté. En un quart d?heure, inspecteurs de police, éléments de la police scientifique, de la Protection civile sont sur les lieux.