Résumé de la 1re partie Jeanne et Roger Farouet, mariés depuis 40 ans, vivent à la campagne. Un jour, ils reçoivent du courrier. «Monsieur, Vous êtes redevable de la somme de 32 francs, arrondie aux centimes supérieurs. Le montant de votre dette se décompose ainsi : impôt pour les quatre dernières années, calculé sur la base de votre revenu minimum 2 884 francs (ce chiffre est susceptible de modifications). Majoration pour retard : 10%, soit un total de 3 062 francs. Cette somme doit parvenir au comptable du Trésor, avant le 20 décembre 1957. Le non-paiement dans les délais impartis entraînerait les poursuites légales habituelles. Signé - gribouillis impolis, car illisibles.» Qu'est-ce que c'est ? Ça parle d'argent, ça les Farouet l'ont bien compris. lls ont même compris que, d'après ce papier, cet argent ils le doivent. Mais à qui ? Pourquoi ? lIs n'ont jamais emprunté d'argent à personne ! Jamais personne ne leur a réclamé quoi que ce soit ! Roger lit et relit. Jeanne examine le papier. Pas de doute, ce sont des impôts. Des impôts à eux ? Mais sur quoi ? Roger n'a jamais payé d'impôts. ll n'a jamais gagné assez d'argent pour en payer. Même la maison ne lui appartient pas vraiment, ils sont trois frères, et Roger est le seul à y vivre, moyennant quoi ce sont les deux autres qui s'occupent des histoires d'impôts locaux. 3 062 francs ! Ce papier réclame 3 062 francs comme ça, d'un coup ! Une somme que Roger et Jeanne n'ont jamais eue entière. L'argent d'une année presque. Bon, dit Roger, j'irai à la préfecture, tu sortiras mon costume, et je prendrai le car. ll souffle sur la petite maison des Farouet un vent de catastrophe. Dans le porte-monnaie familial, il y a 200 francs. Cet hiver Roger fera quelques travaux pour la mairie, on lui a notamment confié le ramassage des enfants pour l'école. En mettant les choses au mieux, d'ici à Noël, ils disposeront d'environ 600 francs par mois. Une fois payés l'épicerie, l'électricité, le pain et le tabac. Roger a mis sa cravate, c'est mauvais signe. Signe qu'il est impressionné et furieux à la fois. Mais il ne veut pas que Jeanne l'accompagne, ces histoires d'argent sont des histoires d'homme. Est-ce un homme que Roger aperçoit derrière le guichet qu'il a mis une heure à trouver ? Est-ce un homme ou un tiroir-caisse à moustaches ? Sait-il dire autre chose que «vous devez payer, je n'y peux rien». Roger voudrait savoir pourquoi il doit payer. Et le tiroir-caisse à moustaches ne répond pas vraiment à cette question pourtant simple. ll dit que Roger n'a pas fait de déclaration de revenus depuis des années et que l'Etat s'en est aperçu, et que, conformément à la loi, on lui réclame sur les quatre dernières années le montant estimé des impôts qu'il aurait dû déclarer. Qu'est-ce que ça veut dire ? Roger prie le tiroir-caisse à moustaches de bien vouloir répéter : «Déclaration de revenus ? Mais je n'ai pas de revenus ! ? Vous gagnez bien de l'argent ? ? De temps en temps, oui, mais si peu ! ? Allons, allons, tout le monde en gagne ! De toute façon, il faut déclarer l'argent qu'on gagne...» Mais Roger croyait qu'en en gagnant si peu, on ne payait pas d'impôts. «C'est vrai, c'est vrai», dit le tiroir-caisse à moustaches. Alors, pourquoi Roger doit-il payer ? Parce qu'il n'a pas déclaré ses revenus. Mais puisqu'il n'en a pas ! Eh bien justement ! C'est parce qu'il n'a pas déclaré qu'il n'en avait pas, qu'il doit payer ! Roger est rouge. ll desserre sa cravate et serre les poings dans ses poches. Sa logique paysanne le pousse toutefois à argumenter encore. (à suivre...)