Souffrance A chacune son histoire avec la maladie, mais elles se rencontrent toutes autour de la «maladie de la honte». Farida, 36 ans, est agent de sécurité sociale à l?est du pays. A peine franchi le seuil de la chambre au Cpmc qu?elle occupe depuis quelques semaines déjà, des visages apathiques, rappelant la souffrance de cette terrible maladie, apparaissent. Elles sont trois à partager cette chambre, mais aussi la douleur et les longues journées. Il est vrai qu?à chacune son histoire avec le cancer du sein, néanmoins elles se rejoignent toutes sur le fait qu?il s?agit bien d?une «maladie de la honte». «Ma maladie, je la garde comme un secret médical, car chez nous c?est presque un tabou. J?ai même honte de le dire pour ne pas apparaître différente et pour qu?on ne me regarde pas d?une drôle de façon. J?ai accepté cette dure destinée et je continue à vivre même si tout va mal», raconte Farida. Et de poursuivre: «Mon histoire avec ce bourreau a commencé à l?âge de 32 ans. J?étais pleine de vie et j?avais tant de projets jusqu?au jour où j?ai découvert une petite boule au sein. A mon grand désarroi, lorsque je l?ai fait enlever, il s?est avéré être un cancer (un carcinome infiltrant in situ). Ce qui a provoqué des ganglions inflammatoires sous les bras, j?ai dû, donc subir une autre intervention avec l?ablation du sein. S?en sont suivis un long traitement et six cures de chimiothérapie, de radiothérapie? Mon calvaire n?est pas terminé pour autant, puisqu?il a été confirmé l?existence d?autres kystes au niveau du sein droit.» «Cette maladie est déjà une pénible épreuve pour toute personne atteinte, une souffrance à laquelle viennent se greffer toutes les difficultés de soins et de prise en charge dans ce centre (Centre Pierre-et-Marie-Curie) le seul sur le territoire national à prendre en charge ce genre de maladie.» Saliha, 35 ans, est enseignante dans un lycée. «Je pleure pour la première fois en 4 ans. J?ai perdu le sein gauche qui m?a trahie lorsque je venais à peine de célébrer mes 40 ans. Depuis, j?ai connu la douleur du cancer et la mutilation, la vie sexuelle déchue et les vêtements qu?on ne peut plus porter, le regard envieux qu?on porte aux autres femmes dans les fêtes qui ne doivent pas surveiller leurs fausses prothèses Il est si difficile de se réapproprier sa vie de femme.» Le 30 septembre 2000 est une date mémorable pour elle, qui nous raconte après un soupir sa réaction quand elle a appris sa maladie. «Un coup d??il au visage embarrassé et à l?attitude gênée du Pr Bendib. J?ai compris ! je préfère prononcer moi-même le mot CANCER? Avec un point d?interrogation bien tremblant et peu convaincu?», affirme Saliha. Et de poursuivre : «Le jour de mon opération, je pleurais silencieusement : je ne sais pas ce qui me fait le plus peur : le cancer ou la perte de mon sein droit?. Au réveil, en revenant à la salle, je n?osais pas aller «sentir» ce qui me manquait ? Premier regard dans la glace de la salle de bains : un gros pansement blanc, mais plat ! Une dissymétrie affreuse. Quelques semaines plus tard, un nombre indéterminé de questions qui s?imposent. Comment affronter le monde extérieur ? Quel avenir pour ma vie de couple ? Mon mari aura-t-il le même regard d?avant mon ablation à mon égard ?»