Expérience Le livre de Sébastien Roché La délinquance des jeunes, publié récemment aux éditions Le Seuil, propose une nouvelle approche du fléau, une étude qui mérite qu?on s?y intéresse. Selon ce sociologue et secrétaire général de la Société européenne de criminologie, la délinquance progresse aujourd?hui, car la société a renoncé à se défendre. En effet, les délinquants comptent souvent sur la passivité des victimes, qui ne portent pas plainte et ne réagissent pas, pour récidiver. Le fait de réussir son délit encourage le délinquant. Pourtant, la répression s?avère indispensable pour l?auteur, car elle affirme les valeurs qui doivent prévaloir dans la société. Le laxisme des autorités compétentes et des victimes a introduit dans l?esprit des délinquants l?idée qu?il existerait un droit au vol. Le sociologue va même plus loin en attestant que la criminalité n?est pas une conséquence de la pauvreté. Au contraire, plus une société est riche, plus elle est criminogène, car les tentations et les cibles sont plus nombreuses et plus vulnérables. Paradoxalement, les normes deviennent plus complexes et moins sanctionnées par la loi. Par ailleurs, Sébastien Roché souligne que la famille n?est plus un lieu d?exercice de l?autorité ; aujourd?hui, les enfants rejettent la légitimité des règles héritées. L?esprit de liberté prend le pas sur l?obéissance et les règles de vie sociale. Un individualisme qui se manifeste par une révolte des jeunes contre la hiérarchie au nom de l?égalité et de la liberté. Plus personne ne prend les règles au pied de la lettre. Chacun fait ses propres règles : le vol n?est plus réprouvé parce que c?est un délit, mais parce que l?individu juge qu?il en est ainsi. L?autorité morale devient donc une question de lien affectif. Une règle est juste lorsque l?on se sent proche de celui qui la formule. Le jugement des parents et des proches fait plus autorité que la loi. Par ailleurs, le sociologue déplore les programmes de prévention sociale qui restent flous. «La prévention n?a aucun sens, si elle ne cible pas des groupes ou des faits précis. Or les pouvoirs publics tendent à mélanger animation, insertion et limitation des délits, sans aucun objectif défini.» Il ajoute que la justice encourage cet état de fait puisqu?elle hésite à prendre des mesures fermes vis-à-vis des mineurs, soit pour des motifs éthiques, soit parce qu?elle est débordée. La police anticipe le manque de réaction de la justice et a donc tendance à se montrer passive. La durée moyenne de l?instruction est longue et a tendance à augmenter. Un vrai cercle vicieux.