Esotérisme «Dieu a créé le jour pour travailler et la nuit pour dormir.» C'est ainsi que, dans la tradition algérienne, on établit un équilibre entre le jour et la nuit et un accord entre l'homme et le rythme de la nature. S'il faut dormir, c'est parce qu'on a ?uvré le jour et qu'il faut observer une pause. Certes, on peut dormir le jour ? c'est la sieste ? mais le moment attribué au sommeil est la nuit. D'ailleurs, le sommeil est souvent associé à la nuit et à l'obscurité. Peut-être faut-il voir dans cette association la peur atavique de l'homme pour l'obscurité : c'est parce que la nuit l'effrayait et lui donnait l'impression d'être en danger que l'homme primitif a cherché un refuge dans le sommeil. Dans un livre au titre suggestif, Dormir, rêver, W.C. Dement raconte une expérience qui l'a profondément marqué : une nuit, alors qu'il roulait dans la campagne américaine, il se retrouve dans une obscurité totale. Il quitte son véhicule et fait quelques pas. Il ressent alors une angoisse indicible et retourne dans sa voiture. Il éteint ses phares et plonge dans le sommeil, pour ne se réveiller qu'au matin. Il conclut, alors, qu'il a eu la réaction de l'homme primitif qui, pour conjurer sa peur des ténèbres, cherchait refuge dans le sommeil. Cependant, tout en rassurant l'homme, le sommeil ne manque pas de l'inquiéter. Dans la tradition algérienne et maghrébine, il est recommandé, avant de se mettre au lit, de réciter la Chahada ou profession de foi musulmane : «Il n'y a de dieu que Dieu et Mohammed est Son Prophète» pour que, au cas où la mort surviendrait, on soit en règle avec la religion. On croit, en effet, que le sommeil est à l'image de la mort : une cessation, non pas de la vie, mais des activités, un allongement, un rythme cardiaque diminué... Et puis, les exemples de personnes mortes au cours de leur sommeil ne manquent pas, ce qui augmente la peur de dormir. Comme dans beaucoup de sociétés, il y a, en Algérie, un rituel du sommeil. On ne dort pas n'importe où, ni dans n'importe quel lit, de peur qu'il ne s'agisse d'un lieu impur, ce qui pourrait favoriser les cauchemars. On prend alors toujours le soin de secouer les draps, pour en faire tomber la poussière. Au Sahara, les nomades, qui dorment sous la tente ou à la belle étoile, ont la tête tournée vers La Mecque, la qibla, direction de la prière. Les Touareg disent que c?est une façon de se protéger des Kel-essouf, «les gens du désert», c?est-à-dire les mauvais esprits. On pense, en effet, que la nuit est le domaine des djinns et des démons. Chez les mêmes Touareg, l'homme dort du côté nord et la femme du côté sud.