Chez les jeunes Algériens, il est des passions qui nous laissent pantois. Ce n'est point là une plaisanterie car le phénomène existe bel et bien et prend notamment une ampleur «dramatiquement» nationale lors du Ramadhan. Mais de quoi s'agit-il précisément ? Les jeunes Algériens consacrent le plus clair de leur temps «ramadhanesque» au sommeil. Le sommeil, oui, devient en ce mois sacré un sport national ! Chacun d'entre-nous peut aisément observer cette tendance au sein de son propre entourage. Ainsi, dormir du matin au soir, du s'hour jusqu'au f'tour, est l'une des activités les plus prisées par les jeunes. A ce propos, ce n'est guère les témoignages qui manquent. Et pour cause, être un dormeur impénitent n'est plus aujourd'hui un complexe dont on doit avoir honte. Les inconditionnels du sommeil s'assument et, mieux encore, ils revendiquent leur statut de dormeur. A les entendre, le sommeil est le meilleur mode vie pendant le Ramadhan. «Que voulez-vous qu'on fasse d'autre le jour durant le Ramadhan ? Les gens sont insupportables. On a tous les nerfs à fleur de peau et il suffit d'un rien pour qu'une bagarre éclate. Alors moi je préfère ne pas sortir de ma chambre et rester allongé sur mon lit. En plus, ce Ramadhan est vraiment caniculaire. Ça tombe donc bien pour faire la grasse matinée, ensuite une bonne sieste», confie sans ambages Khaled, 28 ans, étudiant, qui se sent soulagé lorsqu'il se rappelle que le Ramadhan a coïncidé cette année avec les vacances universitaires. Son ami Mohamed, 25 ans, chômeur, ne voit pas aussi comment passer le Ramadhan autrement que dormir dans la journée. «Moi j'aime dormir et je ne m'en cache pas. Il y a tellement de problèmes dans ce pays qu'il vaut mieux dormir pour oublier la réalité quotidienne. Et puis, soyons sérieux, il n'y a rien d'intéressant dans notre bled pour s'occuper pendant toute la journée. Dès lors, moi je la consacre à mon sommeil», souligne-t-il avec un sourire sarcastique. Le sourire, les «adeptes du sommeil» l'affichent largement sur leur visage en abordant ce sujet. «Moi je suis fumeur et le Ramadhan est pour moi une véritable épreuve. Je souffre vraiment beaucoup du manque de cigarette dans la journée. Alors je me réfugie dans le sommeil. Mais avec le temps j'ai éprouvé du plaisir à dormir et, du coup, je dors toute la journée. Je ne me réveille qu'à quelques minutes du f'tour. Il faut dire que je veille toute la nuit. Vivre la nuit et dormir le jour, c'est ma devise pendant le Ramadhan», explique Hamid, 27 ans, vendeur dans un magasin. Notre interlocuteur nous avoue qu'il s'efforce de prendre son congé rien pour parer à «l'épreuve du Ramadhan». «Moi je ne travaille jamais pendant le mois sacré. Il m'est arrivé une fois d'abandonner mon poste dans une entreprise privée où j'étais chauffeur pour ne pas travailler. Je préfère me reposer et dormir, c'est plus facile pour un grand fumeur comme moi», assure de son côté Hakim, 28 ans. Des témoignages, on peut en recueillir beaucoup encore. Et à chaque fois des parcours significatifs émergent. Fumeurs ou pas, chômeurs ou pas, le sommeil est le refuge pour des pans entiers de notre jeunesse. Une jeunesse qui dort, n'est-ce pas là le symbole d'un pays en panne ? La faute n'est certainement pas au Ramadhan…. A. S.