Cinéma «Toute la base de ce film repose sur l'histoire d'un homme ordinaire qui peut faire face au mal», explique George Terry. Montrer la vie d'un homme qui sauve 1 268 vies menacées lors du génocide rwandais, en 1994, et mettre en exergue l'inaction de la communauté internationale : telle est l'ambition de Hotel Rwanda, un film du réalisateur américain George Terry, présenté au 55e Festival du film à Berlin. Les massacres de 1994, orchestrés par le régime hutu de l'époque, ont fait près d'un million de morts parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés, selon une estimation des autorités rwandaises. Le film raconte comment Paul Rusesababina, qui dirigeait à Kigali l'hôtel Mille Collines, a préservé la vie de 1 268 Hutus et Tutsis en les cachant dans son établissement, les protégeant des milices hutues. Un drame déclenché par l'attentat commis contre l'avion du président Habyarimana, abattu le 6 avril 1994 au-dessus de Kigali. Dès le lendemain, une vague d'assassinats déferle sur la capitale rwandaise, rendant la situation très vite incontrôlable. Aux alentours immédiats de cet hôtel quatre étoiles, fréquenté par nombre d'Européens, des Hutus armés de machettes se jettent sur leurs voisins tutsis, comme le montrent certaines images d'une extrême violence. Plusieurs centaines de Tutsis dont les maisons ont été incendiées viennent alors chercher refuge à l'hôtel dirigé par Paul Rusesababina, dont le rôle est interprété par l'acteur américain Don Cheadle, qui qualifie son établissement d'«oasis de paix». Pour préserver la vie de ses «réfugiés», parfois au prix de sa vie, il soudoie le général commandant les milices hutus avec du whisky, de la bière et de l'argent liquide. Il alerte par téléphone, à Bruxelles, le P-DG de la compagnie aérienne belge Sabena, propriétaire de l'hôtel. «Qui puis-je appeler ? La France, qui a fourni des armes à l'armée hutue», lui suggère le patron de la Sabena depuis la capitale belge. La France est régulièrement accusée par l'actuel régime rwandais, dirigé par la minorité tutsie, d'avoir entraîné et armé les auteurs du génocide avant les massacres. La réponse du P-DG de Sabena est sans appel : «Aucune chance d'aide de l'Occident.» Seules quelques centaines de soldats des Nations unies sont dépêchés au Rwanda, mais n'ont pas le droit de recourir aux armes pour arrêter le massacre, comme le répète dans le film un colonel visiblement éc?uré par l'inaction de la communauté internationale. Don Cheadle, nominé dans la catégorie «meilleur acteur» aux Oscars le 27 février à Hollywood, a estimé, lors de la conférence de presse, que cette nomination «était vraiment nécessaire pour un film comme celui-ci». «L'Occident était totalement complice de la non-intervention au Rwanda», a critiqué George Terry. «Un autre Rwanda est en train de se produire au Darfour», a renchéri Paul Rusesababina, en évoquant la crise dans cette région de l'ouest du Soudan. Selon le metteur en scène, «c'est une honte pour le monde entier quand on voit les efforts effectués pour venir en aide aux victimes du tsunami (en Asie, le 26 décembre 2004, ndlr), alors qu'on n'est pas capable d'aller au Soudan. Est-ce tellement plus difficile que d'aller en Asie ? Pour nous, c'est ça, le message».