Le dixième Festival du film de l'organisation américaine de défense des droits de l'homme, Human Rights Watch, a été officiellement ouvert il y a quelques jours par une représentation gala au cours de laquelle un film sur le génocide au Rwanda a été montré en exclusivité au cinéma Curzon, dans le quartier de May Fair à Londres. Le tournage de Sometimes in april (Un jour d'avril) au Rwanda a duré quatre ans, selon le metteur en scène haïtien Raoul Peck. « Quand j'étais à Kigali, j'étais très mû par les discussions que j'ai eues. J'ai vu des gens courageux, pleins de vie, des gens vrais, pas des victimes. Et à ces gens, j'ai voulu donner un brin d'espoir », a déclaré le metteur en scène avant la projection de son film. Sorti dans le sillage du film américain à grand succès, Hôtel Rwanda, Sometimes in april est divisé en deux parties qui se déroulent de manière simultanée. En avril 1994, un officier de l'armée hutue, Augsutin, s'élève contre les plans de la hiérarchie militaire hutue de commettre un génocide contre les Tutsis et l'opposition hutue. Augustin essaie de mettre sa femme, une Tutsie, et ses deux enfants à l'abri. Une fois séparé de sa famille, il est engagé dans une lutte désespérée de survie, tout en essayant de savoir ce qui arrive à ses proches. Dix ans plus tard, alors qu'il essaie de rebâtir une vie normale avec sa concubine Martine, Augustin rend visite au tribunal des Nations unies à Arusha, en Tanzanie, où son frère, journaliste, attend d'être traduit en justice pour sa participation indirecte au génocide à travers ses appels à la chasse aux Tutsis sur les ondes de Radio mille collines. A la fin du film, Augustin découvre ce qui est arrivé à sa famille, tous tués. Cependant, il reprend espoir en un avenir meilleur pour le Rwanda. Si le film finit avec cet appel à la fin du générique, Never forget (ne jamais oublier), il véhicule un message d'espoir à travers ces écoliers qu'on voit au début du film assister en classe à un cours sur les raisons du génocide, et ces autres enfants en train de voir un film de Charlie Chaplin à la fin. L'espoir est aussi illustré dans cette scène puissante et émouvante au milieu du film où une femme hutue cache dans une baraque dans son jardin trois femmes tutsies, blessées et en fuite, juste après que son mari et son beau-père eurent pris la direction des champs, armes de machettes, pour aller « travailler ». Un magnifique geste d'humanité, dans un monde d'horreur. Peck a réalisé un film qui ne fait pas pleurer, mais qui interpelle la conscience de l'humanité sur les raisons d'un génocide qui aurait pu être évité si les Etats-Unis, l'Onu, la Belgique, et surtout la France, qui étaient au courant de ce qui se tramait, avaient décidé d'agir. « Hollywood sait comment nous impliquer émotionellement, de telle manière à ce qu'il n'y ait plus d'espace pour notre libre pensée. J'aurais pu vous faire pleurer durant tout le film, mais j'ai voulu faire un film qui n'enferme pas mon cerveau », explique le metteur en scène haïtien qui a à son actif un film de notorieté mondiale : Lumumba. Parmi les 24 autres films qui domineront le festival entre les 17 et 26 mars, les cinéphiles attendent avec impatience Liberia : An uncivil war, un film documentaire sur les deux cotés du conflit durant l'été 2003, mais qui se concentre sur la faible réponse des Etats-Unis. Il y a aussi Private, un film sur le conflit israélo-palestinien à travers les yeux d'une famille palestinienne dont la maison est occupée par des soldats israéliens. Pulled from the rubble (Tiré des décombres) de Margaret Loescher raconte pour sa part l'histoire et la manière avec laquelle sa famille essaie de reprendre une vie normale, après l'attentat contre le quartier général de l'Onu à Baghdad où son père, Gil Loescher, était en réunion avec le représentant des Nations unies à Baghdad, Sergio Viera de Mello, qui est mort dans l'attentat. Gil Loescher a été le seul survivant de la partie du bâtiment la plus touchée par l'explosion. Le chef de la section de Human Rights Watch à Londres a indiqué que les 24 films au programme représentent « un véritable cours intensif sur les droits de l'homme ».