Ils sont huit à endurer un dur quotidien qui n?en finit pas. La pluie au-dessus de leur tête, la boue sous leurs pieds, sous une tente usée, exposée aux quatre vents. Sans cuisine, sans sanitaires et sans dignité, la famille Foteima vit un séisme, deux ans après? A Réghaïa, se dresse une tente où survit une famille dans le calvaire. Celui de huit sinistrés, «oubliés deux ans durant». La famille Foteima, puisque c?est d?elle qu?il s?agit, voit, depuis le 21 mai 2003, s?égrener jours et nuits, vents et torrents, neige et canicule sur une parcelle «champs de patates» au milieu d?immeubles flambant neuf à la cité Saâda, un îlot de constructions, à quelques mètres de la zone industrielle. Pas d?adresse, pas de boîte aux lettres et pas de? toilettes. Désolant décor digne de l?île perdue de Robinson Crusoé. «Voyez là-bas? c?est là où toute ma famille fait ses?», la phrase inachevée de Brahim est vite ponctuée d?un «hachak» plein de dignité. A quarante ans, cet homme qui, il y a dix ans, était contraint de faire fuir sa famille de la bouillonnante Souaghi, de Médéa, dans un long et interminable exode, pour échapper à une mort certaine, dit, aujourd?hui, qu?il ne sait pas quoi faire, quoi dire à son vieux père, El-Hadj 65 ans, lui qui, chaque jour, sous la tente, attend patiemment que son fils vienne lui dire qu?il a enfin trouvé un «quatre murs», un lieu sûr où la famille ira enfin «s?abriter», un chalet par exemple ! Comme les autres. Deux jours après le séisme du 21 mai 2003, la famille Foteima est mentionnée comme famille sinistrée. Brahim parle, exhibant une pile de documents, histoire de prouver le bien-fondé de sa cause. «Ma famille louait depuis quelques années un F4 dans un immeuble de la cité Saâda, classée par les services du CTC, zone ayant subi de grands dommages et dont les locataires devaient être en principe tous relogés», affirme-t-il. Tous, en effet, ont pris armes et bagages pour aller vivre dans des chalets, un peu partout aux quatre coins de la région et même ailleurs sauf évidemment la famille Foteima. Pourquoi ? Les a-t-on considérés comme de «faux sinistrés» dont on a souvent entendu parler où alors s?agit-il d?une grave omission de la part des parties concernées par le relogement ? Brahim dit avoir frappé à la porte de l?APC, à maintes reprises, en vain. La seule réponse qui lui est faite à chacune de ses «incartades», c?est : «Patience, la wilaya n?a pas donné encore l?ordre.» «Mais de quel ordre parle-t-on, toute ma famille est malade. La pluie a failli tous nous tuer plusieurs fois? Rabi mahabch?» s?est insurgé Brahim. «Bouteflika lui-même l?a dit. Il n?y aura plus personne sous la tente. Non, Monsieur le président, nous sommes toujours sous la tente !», renchérit-il, dépité.