Dès que la première chanson commence, elle abandonne sa chaise, excitée par la cadence de la mélodie égyptienne. Sa tête dodeline, ses bras se projettent vers l?avant, elle veut applaudir, mais elle n?y arrive pas avec ses mains malades. Elle ne peut se retenir. Son corps tangue, son ventre, sa tête, ses yeux. Elle essaye de crier, de répéter avec le chanteur, des murmures sortent de sa fine bouche. Personne n?entend, ne comprend. Elle s?en fout ! Au fond de la salle, nul ne la regarde, ne ressent la présence de cette fleur fanée. Tous les regards sont braqués sur le DJ, sur la scène. Même sa mère qui l?accompagne, contemple, séduite, les danseurs. Elle ne semble pas remarquer sa fille, l?a-t-elle jamais fait d?ailleurs ? ? Elle, elle rit, dans ses tréfonds, elle déguste seule cet instant rare d?euphorie. Ce 14 mars, elle danse pour elle, seulement pour elle. De temps à autre, elle guette les spectateurs, quelques femmes l?applaudissent, elle se déchaîne encouragée, puis danse ivre de joie. Soudain, la musique s?arrête, la scène se vide, la salle aussi. Elle s?effondre sur sa chaise, grisée, épuisée? Heureuse d?avoir été la star d?un soir, d?une heure, même si le lendemain elle est oubliée dans sa «cellule» et est traitée de nouveau? de handicapée !