Il y a une transposition du contenu des livres par Don Quichotte dans son existence effective. Don Quichotte, comme Miguel Cervantès, son créateur, avait un grand appétit pour les livres, et est, en conséquence, «un lecteur par excellence», écrit Jorge Lozano. «Un lecteur auquel ne suffit pas sa fonction réceptive et qui, par conséquent, s?apprête à transformer ce qui est lu en code de conduite (?). Il est capable de rétablir, grâce à son imagination, ce que la réalité nie à ses espoirs et aspirations.» En lisant Don Quichotte, nous nous interrogeons d?emblée sur les motivations de ce personnage atypique, voire fantaisiste. Jorge Lozano écrit : «(?) Don Quichotte a essayé de trouver dans le monde les faits, les aventures et les drames que sa bibliothèque [les livres] lui avait promis (?)» Cela veut bien dire que, à l?évidence, Don Quichotte, comme Cervantès qui, rêvant d?héroïsme, s?abandonnait à un lyrisme chevaleresque, aimait passer son temps à parcourir les livres d?aventures et de chevalerie. Et en dévorant avec une voracité pantagruélique ce type de livres, Don Quichotte, idéaliste et empli d?illusions, a fini par croire à cet univers de fiction. Cela l?a emmené infailliblement à transposer dans la vie réelle son imaginaire, comme ça été le cas pour Cervantès : Il [Cervantès] ne pouvant plus réaliser l?héroïsme dans sa vie, il l?imagine dans son roman. «Don Quichotte établit une [étroite] relation entre bibliothèque et univers, le monde et les livres (?)» Et fortement imprégné par ces lectures à grande sensation, il ne peut plus distinguer le vrai de la fable. Il est séduit par ce mirage qui l?accompagne, tout au long de ses déambulations oniriques dans un espace réaliste. Pour Don Quichotte, certain de ses convictions, la réalité se confond avec l?onirique qui devient dans son esprit une réalité. Il l?incorpore dans son comportement et l?assimile dans ses raisonnements. Enfin, et pour conclure, Don Quichotte est «un lecteur par excellence» ; et étant un «héros», «Don Quichotte devait essayer d?imposer en solitaire, sans être compris, la chimère de la chevalerie, au sein d?un milieu hostile [réaliste]». Là, il y a une opposition entre la vie réelle et le monde tel que Don Quichotte le voit, le vit. «[Une] relation ironique entre l?idéal épique et la réalité actuelle du roman, en la transformant en antinomie existant entre le passé chimérique qui survit uniquement dans la conscience et le présent prosaïque, en le thématisant avec la fable de la sortie du dernier chevalier errant [à savoir Don Quichotte]», écrit Jorge Lozano. Ainsi, Don Quichotte est une histoire de livre, puisqu?il y a une transposition du contenu des livres par Don Quichotte dans son existence effective. C?est d?ailleurs ce que Jorge Lozano écrit : «Don Quichotte de la Manche est un livre qui parle des livres. Il s?agit d?une littérature qui parle de littérature. C?est un livre finalité.»