Mineur Une grosse quantité de pièces de monnaie dans une main, les tickets dans l?autre, un adolescent, ne dépassant pas les 18 ans, se tient, debout, au milieu du bus. Une casquette sur la tête, il porte un survêtement blanc, devenu marron à cause des nombreuses taches de graisse. «Ceux qui n?ont pas encore payé qu?ils payent !», ne cesse-t-il de répéter. Pour faire le tour du bus, l?adolescent n?hésite pas à bousculer tout le monde pour se frayer un passage au milieu de toute cette foule de personnes de tout âge, mais sans demander la moindre excuse. «Laissez-moi passer ! Poussez-vous un peu ! Laissez la place ! Reculez, avancez en ? arrière !», ordonne-t-il. Une vieille dame «coincée» entre un groupe de passagers se plaint : «Où vais-je reculer ? Le bus est plein, avez-vous laissé un espace pour qu?on puisse reculer ?» La réponse du receveur ne tarde pas : «Prenez un taxi si vous voulez, sinon vous n?avez qu?à descendre au prochain arrêt !» En colère et offensée par ces propos, la vieille dame a voulu donner une leçon de morale au jeune receveur. Mais elle aurait mieux fait de se taire puisque le jeune homme est devenu plus violent dans ses propos. «D?abord, vous n?avez rien à dire ; à votre âge, les femmes restent à la maison et adorent le Seigneur ! Vous ne faites que gêner les gens, votre place est normalement chez vous à la maison entre vos fils. Vous avez senti un petit air de liberté et vous voilà tout le temps dehors? !», hurle-t-il. Des rires éclatent dans le bus et quelques passagers profitent pour discuter du dernier Code de la famille. «Le receveur a raison, que font-elles dehors ces femmes ? Elles ne se sont pas contentées de nous piquer notre boulot et maintenant, elles veulent plus de liberté. Croyez-moi, si vous les comptez dans la rue, vous trouverez que leur nombre est deux fois supérieur à celui des hommes? C?est malheureux !», souligne un jeune passager. Pour en revenir au receveur, son comportement est quasi habituel chez ses confrères. «Ils n?hésitent pas un seul instant à intimider les passagers, les bousculer et même les violenter. Ils n?ont aucun respect pour le client. Leur seul souci est de rentabiliser chaque centimètre carré du bus. Ni la sécurité ni le confort du passager ne font partie de leurs priorités», explique un ancien conducteur de bus de l?Etusa. La plupart des receveurs rencontrés sont mineurs : «Les propriétaires de bus les exploitent, ils les recrutent dans la rue et leur offrent un salaire très faible comparé aux efforts qu?ils déploient.» «Je touche 12 000 DA. Je me lève à 4h, comment voulez-vous que je ne sois pas excité et nerveux, c?est pour ça d?ailleurs qu?on est (sans pitié) avec les passagers», dit Hamid, 16 ans, receveur dans un bus qui assure la ligne Kouba-la Place des Martyrs.