Conclusion Moins de neuf ans après la création du centre de soins et de désintoxication de Blida, les médecins, y exerçant, mesurent l'immense retard accumulé en matière de lutte contre la toxicomanie. Ce constat, ils le font au regard de l'ampleur de la demande leur parvenant et en l'absence quasi totale d'une véritable politique de sensibilisation, d'orientation et de communication à même de populariser cette nouveauté nationale en matière de lutte contre la toxicomanie. Une nécessité d'autant plus urgente que les médecins du centre de Blida soulignent la «condition sine qua non» pour quelque espoir de réussite de la cure : le patient s'y présente de son propre chef, sans la moindre contrainte extérieure, ce qui, autrement, rendrait la guérison totalement illusoire. Or, remarquent ces médecins, «nous devons, pour l'heure, compter sur des moyens de sensibilisation incitatifs insuffisants, sinon dérisoires, en dépit des efforts certes indispensables et si louables des médias et du mouvement associatif (une poignée de structures souvent sans le minimum de moyens)». C'est dans l'ombre que les médecins, toutes spécialités confondues, autant du secteur public (à l'hôpital Maillot à Bab El-Oued notamment) que privé, tentent de convaincre des toxicomanes de recourir à des séances de cure et d'accepter leur admission au centre de Blida. «Une opération qui n'est pas la plus difficile pour nous puisque, en plein désespoir et bien qu?ignorant la spécificité de l'hospitalisation recommandée, la plupart des patients qui viennent nous voir acceptent facilement l'idée de suivre la cure», commence par nous expliquer un médecin de l'hôpital de Bab El-Oued. «Le plus dur, en revanche, c'est de les convaincre d'y retourner puisque beaucoup n'arrivent pas au terme de la cure ou sombrent dans de rapides rechutes après le cycle thérapeutique. C'est que, outre les effets de la dépendance, la rechute est souvent due au fait que beaucoup de patients se méprennent sur la mission du centre de désintoxication, dont l'aspect médicamenteux, panacée par excellence à leurs yeux, n'est qu'un parmi d'autres.» L'assistance psychologique, à travers des thérapies de groupe et individuelles, les activités thérapeutiques sportives et ludiques, toute cette panoplie de prescriptions hors médicaments s'avère souvent peu convaincante pour des malades ne croyant qu'aux vertus des potions. Néanmoins, le centre du Pr Ridouh ne désemplit pas, bien au contraire, il est parfois confronté à une trop forte demande et enregistre de très satisfaisants résultats, qui relèvent de l'exploit, eu égard à l'extrême hostilité du milieu social propice aux rechutes et à la faiblesse critique de l'action de l'Etat en matière de politique de prise en charge de la population toxicomane. Ce qu'illustre tragiquement le fait que pour une demande potentielle de plusieurs millions de patients, seuls 50 lits sont offerts.