InfoSoir : Une seule structure de désintoxication pour tout le centre du pays, alors que les dernières statistiques révèlent que pas moins de 5 millions d?Algériens en auraient besoin, n?est-ce pas insuffisant ? Le Pr Ridouh : Effectivement, cela paraît une anomalie a priori. Mais, à mon avis, nous ne devons pas faire la fine bouche. Ce centre n?existe que depuis 7 ou 8 années, c?est une première en Algérie. Cela prouve, à mon sens, que le problème de la toxicomanie est enfin concrètement pris en charge à travers la création de ces centres. Car en plus de leur mission, ces structures lèvent un peu plus le tabou qui pesait sur ce phénomène en initiant, notamment, aux vertus de la thérapie et de la prévention contre la toxicomanie et c?est un énorme acquis. Nous en sommes, depuis la création du Centre de l?hôpital Frantz-Fanon, à un appréciable travail de sensibilisation, de prise en charge thérapeutique à travers les associations de lutte contre la toxicomanie, les cellules d?écoute et d?orientation dont celle au niveau de l?hôpital Maillot à Bab El-Oued, à qui nous devons pour l?essentiel l?intérêt que manifestent les patients et leurs proches pour notre centre. Parvenez-vous pour autant à satisfaire la demande, au vu du nombre considérable de concernés par ce problème ? La demande est effectivement considérable, au point que nous nous trouvons en certaines périodes carrément débordés. Cela nous préoccupe, certes, mais nous réjouit également, dans la mesure où cette affluence prouve qu?il y a un véritable et efficace travail qui est fait en matière de sensibilisation. Le chiffre de 5 millions d?Algériens toxicomanes révélé l?année dernière est-il exagéré pour vous ou, au contraire, en deçà de la réalité ? Ce chiffre a été donné par l?Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Quel qu?en soit le degré de fiabilité, il est, à mon sens, évident que le phénomène est en augmentation d?année en année et c?est d?autant plus inquiétant. Pour preuve de ce que j?avance, il n?y a qu?à se référer aux opérations de police contre la criminalité effectuées régulièrement, d?une part et, d?autre part, aux opérations des services douaniers, notamment qui se soldent par des saisies de quantités impressionnantes de stupéfiants et de cannabis. De façon plus générale, l?augmentation de la population toxicomane est à craindre au regard de la persistance et de l?approfondissement du malaise socioéconomique qui demeure le principal facteur à l?origine du fléau. Il est clair donc que par rapport à l?évolution du phénomène, les moyens de lutte et de prévention sont en deçà des besoins. (*) Psychiatre et premier responsable du CHU Frantz-Fanon à Blida