Renommée En cette fin des années 1920, le professeur Kockel était l?une des sommités de la médecine légale allemande. Le 30 novembre 1929, un représentant de la compagnie d?assurances Nordstern se présente à l?Institut de médecine légale de l?université de Leipzig et demande à voir le professeur Kockel. «Le professeur n?est pas là, lui répond-on, mais comme je suis son collaborateur, je peux vous recevoir. ? Non, dit l?homme, c?est le professeur en personne que je veux voir.» Le collaborateur, un peu vexé, lui dit : «Alors, il va falloir patienter, monsieur !» Si le représentant de la Nordstern veut voir le professeur, c?est parce que, en cette fin des années 1920, le professeur Kockel était l?une des sommités de la médecine légale allemande : il s?est signalé par ses travaux et surtout par une controverse qui l?opposait, à l?époque, aux autres spécialistes du domaine : alors que ces derniers étaient partisans d?une médecine légale entièrement pathologiste, lui défendait le principe de la pluridisciplinarité : «Le médecin légiste, répète-t-il dans ses cours, doit être ouvert à toutes les sciences, y compris la psychiatrie et la toxicologie et le même médecin ne doit pas hésiter à recourir aux méthodes de ces sciences pour résoudre les affaires criminelles.» Dans cette querelle, Kockel représente le courant moderniste de la médecine légale et ses méthodes promettent d?aider la police à confondre avec plus de rapidité et surtout d?efficacité les criminels. Le professeur finit par arriver et il reçoit le représentant de la compagnie d?assurances, qui lui expose l?affaire pour laquelle il est venu. «Un de nos clients, dit-il, Erich Tetzner, commerçant à Leipzig, vient de mourir. Il roulait en voiture quand son véhicule, heurtant une borne kilométrique, s?est renversé, a pris feu, puis a explosé. Un cadavre a bien été trouvé dans la carcasse de la voiture, mais comme il a été calciné, on n?a pas pu déterminer avec certitude s?il s?agit de Tetzner ou pas. Nous avons formulé nos réserves au procureur de Regensburg, mais comme nous n?avons aucune preuve pour montrer que le cadavre n?est pas celui de Tetzner, il a délivré le permis d?inhumer. ? Ce Tetzner a, bien sûr, contracté auprès de votre compagnie une assurance-vie ? ? Oui, dit le représentant, auprès de notre compagnie et de deux autres compagnies, la Vaterländische et l?Allianz, en tout cent quarante-cinq mille marks ! ? Tant que cela !», s?exclame le professeur. Il est vrai qu?à l?époque, la somme était très élevée, surtout quand on sait que Tetzner avait des revenus plutôt modestes. Et l?accident, comme par hasard, est survenu juste après l?entrée en vigueur des polices. La veuve s?est déjà manifestée et demande à toucher les polices. Il s?agit certainement d?une escroquerie, mais comment le prouver ? «Nous avons obtenu de la veuve l?autorisation de procéder à l?autopsie du corps du prétendu Tetzner. ? Vous voudriez que je fasse cette autopsie ?, demande Kockel. ? Oui, dit le représentant. Nous avons confiance en vos méthodes.» (à suivre...)