La peinture de Souhila Belbahar est une représentation littérale d?un univers subjectif, un monde où règnent la joie de vivre et le bonheur d?exister. De la génération de Baya, Souhila Belbahar demeure, aux côtés de celle-ci, l?une des valeurs sûres de la peinture algérienne, un nom qui a affranchi l?Algérienne des clichés relevant d?une frustration érotique, d?un fantasme libidinal inassouvi, et cela en lui conférant de nouveaux attributs. Elle a su, comme Baya, grâce au pinceau, restituer à sa s?ur «une liberté (une voix) jamais nommée», une expression forte et permanente, une personnalité saillante, riche et colorée. Dans le même registre que Baya, c?est-à-dire dans un style naïf, Souhila Belbahar s?emploie, dans un tempérament impulsif mêlant douceur et finesse, à une grande dévotion, à la nomination de la femme, sa s?ur. Si avec Baya, l?on parle de femmes-poissons ou de femmes-oiseaux, avec Souhila Belbahar, l?on parle également de femmes-végétales, mais pas de la même manière que celles imaginées par Baya. L?on parle plus précisément de femmes-fleurs ou femmes-pétales ; et comme celle de Baya, la peinture de Souhila Belbahar laisse poindre un art nouveau, une expression foisonnante, un style exubérant, le tout s?inscrit dans une originalité individuelle, faisant ainsi abstraction des canons classiques du dessin et de la perspective. Certains spécialistes voient dans la peinture de Belbahar une expression naïve ; d?autres, en revanche, la qualifient de méthodique, faite dans un style rigoureux, parce que le monde qu?elle a créé et mis en mouvement est bien ordonné. Il s?agit bien d?un monde méticuleusement élaboré : la construction des décors est pensée, la composition des personnages est recherchée, le choix des couleurs est parfait. Cela revient d?emblée à dire qu?il y a forcément une existence latente. Rien ne laisse donc prétendre qu?il s?agit d?une expression simple, naïve (au sens littéral du terme) et dépourvue de signification. Les peintures de Souhila Belbahar sont le résultat d?un geste qu?aiguillonnent ses pulsions et ses émotions, un geste qui reproduit un univers fait de mythes et d?enchantement et qui, imperturbable, trace sur la surface du tableau diverses trajectoires, des courbes serpentines où à mesure que le geste avance, l?espace se précise et s?amplifie, mais parfois se rétrécit. Le périple est long ; au terme du voyage, le geste aboutit au corps de femmes ; il enfante des êtres surnaturels que l?artiste fait évoluer dans un ravissement inouï. Ces femmes à la douceur parfumée, aux senteurs de fleurs, ces femmes que l?artiste réinvente sont des femmes-fleurs ou femmes-pétales, ou encore des femmes-musiciennes. Elles sont toutes bellement représentées, voire projetées dans l?air ou bien placées dans une situation inspirée par l?imaginaire collectif traditionnel, à savoir l?intérieur d?une demeure mauresque. Les peintures de Souhila Belbahar se veulent un chant qui, tel une onde musicale, se propage dans l?espace et le temps, défiant l?oubli ; c?est une manière d?exister à travers un travail personnel. La peinture de Souhila Belbahar, personnelle et colorée, est la représentation littérale d?un univers subjectif où vient s?inscrire, en couleurs, en décors et en personnages féeriques, l?imagination débordante et animée d?une artiste nourrie en permanence de rêveries et, celles-ci, pareilles à des cadeaux, s?offrent au regard ; tel un songe venant peupler notre sommeil, elles surprennent, impressionnent, enchantent? C?est un monde achevé, consommé, où règnent la joie de vivre et le bonheur d?exister qui, tous deux, relèvent de la personnalité du sujet et de son intimité, ainsi que de son goût pour le beau, le vrai, l?authentique.