L?Algérien a toujours été quelqu?un qui voyage, qui se déplace aussi, non seulement dans son pays, mais aussi vers l?étranger. Il y a les nécessités économiques, mais aussi ce désir de connaître les autres contrées, d?aller à la découverte des gens et du monde? «Fi ssafar fayda» (dans le voyage, il y a des bénéfices à tirer), disent les vieilles personnes, non seulement faire des gains matériels, mais aussi les expériences que l?on accumule. Mais quand le voyage se prolonge ou finit par une installation plus ou moins longue dans un pays étranger, le voyageur acquiert une autre dimension et un autre statut. Le voyageur, devient le rayah, littéralement «celui qui part ou celui qui est parti», mot rendu célèbre par la fameuse chanson de Dahmane Al-Harrachi, Ya rayah. Le départ est ici synonyme de migration, d?exil même, et comporte toujours une charge émotionnelle très forte. Mais l?émigration est désignée par un terme spécial, tout aussi fort, lghurba, et émigrer se dit tgherab, du mot gharib signifiant «étranger» : c?est effectivement ce sentiment d?être un étranger dans le pays hôte qui prédomine le plus souvent dans la psychologie de l?émigré, avec ce désir conscient ou inconscient de revenir, un jour, au pays natal. Le Kabyle emploie les mêmes mots et, dans cette langue, il existe tout un genre poétique appelé justement «chants de la ghorba ou de l?exil». Emigré se dit aussi mmigri, terme emprunté au français, mais ce mot n?a pas la même charge émotionnelle que le mot ghorba, en tout cas, il n?est pas aussi évocateur.