Le procès d'Etienne K., qui s'ouvre le lundi 21 septembre 1992, devant la cour d'assises, pour quatre meurtres et une tentative de meurtre, a attiré la grande foule. Il s'agit, en effet, d'une affaire dramatique qui avait, en son temps, passionné l'opinion. Le président demande qu'on fasse venir l'accusé. La quarantaine, grand, bâti en athlète, brun et assez bel homme, Etienne K. présente, dans l'ensemble, fort bien. Son interrogatoire commence, suivi de la lecture de l'acte d'accusation par le greffier et chacun va pouvoir se remémorer les faits terribles qui l'ont conduit dans le box... Etienne naît le 25 juin 1952, dans les Vosges. Il est le dernier d'une famille de onze enfants. Il est sérieux, travailleur, décroche un CAP de pâtissier, trouve un emploi et se marie avec Myriam S., en 1970. Ils s'installent peu après dans le sud de la France. Le ménage ne tarde pas à aller mal, malgré la naissance de deux filles, qui ont, à présent, seize et dix ans. Etienne finit par quitter Myriam et se met en ménage avec Laurence, une jeune femme de vingt-sept ans. Pourtant, son esprit est obsédé par la vengeance. Ne voulant pas s'en prendre à Myriam elle-même, il va tourner sa rage contre celles qui incarnent à ses yeux le vice féminin : les prostituées. Mais il va le faire avec une volonté meurtrière et un machiavélisme peu commun. Il achète, par correspondance, une carabine Winchester à un coup et la coince derrière le siège passager de sa Renault 21. Le canon est orienté de bas en haut, afin de frapper le dos de la victime selon un angle soigneusement calculé. La balle doit sectionner la colonne vertébrale et traverser le c?ur. L'autopsie des victimes montrera que c'est exactement cela qui s'est produit. Etienne est, en apparence, parfaitement calme. Il ne parle plus de sa femme à sa nouvelle compagne, il est serviable et doux avec ses amis et connaissances. Mais, désormais, son plan est prêt et, la nuit, il va se transformer en démon. La série tragique commence. Le 25 novembre 1988, le corps de Charlotte D., trente-quatre ans, prostituée, est découvert dans les ruines du fort D. Elle a été tuée d'une seule balle dans le dos. Le 27 mai 1989, Antoinette E., une autre prostituée, est retrouvée tuée d'une balle dans le dos, au bord d'une route. A partir de là, la série s'accélère. Le 3 juin, Catherine R., vingt et un ans, est assassinée de la même manière. Le 7 juin, dans un petit chemin de l'arrière-pays niçois, c'est une jeune inconnue, probablement une prostituée vu son habillement et son maquillage, qui est trouvée tuée de la même manière. Chose étonnante : jamais les policiers ne parviendront à l'identifier, mais Etienne reconnaîtra l'avoir assassinée. Cette fois, l'opinion s'alarme. Les trois derniers meurtres ont eu lieu en dix jours ! On parle du Jack l'Eventreur de la Côte d'Azur, du nom du célèbre meurtrier anglais tueur de prostituées. C'est une impressionnante mobilisation policière qui s'organise et il faut faire vite, car l'homme semble pris d'une véritable frénésie de meurtre. Il récidive, en effet, quatre jours plus tard, le 11 juin, mais une circonstance qu'il ne pouvait prévoir va provoquer sa perte. Ce soir-là, Etienne se promène à bord de sa Renault 21, guettant sa proie. Soudain, il aperçoit celle qu'il cherchait. Elle est blonde, plutôt frêle, et fait un signe dans sa direction. Il s'arrête. En quelques mots, l'affaire est conclue. Elle s'installe à ses côtés, sur le siège mortel, et referme la portière. C'est alors qu'Etienne a une curieuse impression. Il se penche vers sa passagère, l'examine de plus près et pousse un cri de rage. Ce n'est pas une de ces prostituées qu'il veut éliminer pour se venger de la trahison de Myriam ! Ce n'est pas une femme, c'est un homme ! Effectivement, il s'agit d'un jeune travesti d'origine cambodgienne, Sinh, vingt et un ans. Il a immédiatement remarqué la réaction d'Etienne et sans doute a-t-il compris qu'il se trouve en présence du tueur. Mais ce dernier est le plus rapide. Il se penche à l'arrière et appuie sur la détente. (à suivre...)