Dominique C. comparaît, ce vendredi 25 septembre 1992, devant la cour d'assises de M. La salle est belle et élégante, avec son plafond voûté. On sent des lieux chargés d'histoire. L'accusé est un homme d'une trentaine d'années, au crâne presque rasé et aux lunettes rondes cerclées de métal. Il y a quelque chose de militaire dans son allure. Mais ce n'est pas son physique, somme toute banal, ni le crime qu'on lui reproche qui vont retenir l'attention, c'est une circonstance tout à fait rare : il y a sept ans, le même homme comparaissait devant cette même cour d'assises pour exactement les mêmes faits. Il s'agit plus que d'une récidive, plutôt une tragique réplique du même acte... La présidente entame le dialogue avec l'accusé. «Vous êtes né le 18 avril 1958 et vous êtes l'aîné d'une famille de cinq enfants. On dit que vous avez subi, dans votre jeunesse, des mauvais traitements de la part de votre père. ? Je n'ai pas envie d'en parler.» Dominique, qui vient de dédaigner un point qui pourrait être retenu à décharge, est pris d'un rire étrange, tout à fait hors de propos, qui met mal à l'aise et fait quelque peu douter de son équilibre mental... Son interrogatoire se poursuit. «Vous avez fait des études moyennes. ? Je n'avais pas envie d'apprendre. ? Et vous vous engagez à dix-neuf ans dans la Légion étrangère.» Le visage de Dominique s'éclaire brusquement. Il est visible que la Légion est ce qui a le plus compté pour lui. D'ailleurs, il en a gardé la coupe de cheveux réglementaire. «Oui. J'y étais heureux. Pour moi, la Légion, c'était comme les vacances. ? Après quatre ans et demi passés à Aubagne, à Orange, au Tchad et à Bonifacio, vous êtes réformé pour ?troubles hystériques?». Encore une fois, l'accusé rejette avec vivacité un élément qui pourrait venir à son secours. «Ils se sont trompés ! Je n'étais pas fou. ? Vous trouvez ensuite un emploi de vigile et vous faites la connaissance de Noëlla E., de sept ans votre aînée. Mais au bout d'un an, elle veut vous quitter. Elle vous reproche d'être trop possessif. ? Je n'étais pas possessif, je l'aimais !...» La suite a été longuement évoquée sept ans plus tôt dans ces mêmes murs. Le couple, après avoir vécu une intense passion, se dégrade. Noëlla est enceinte, mais décide de recourir à l'IVG. A partir de là, les scènes se multiplient, de plus en plus violentes. La femme a même si peur qu'elle prévient la police. La rupture est consommée début avril 1984. Mais le 19, Dominique vient retrouver Noëlla, sur le chemin de son travail, pour une dernière explication. Au bout de quelques phrases, elle refuse d'en entendre davantage et s'en va. Il sort alors un fusil 22 long rifle qu'il vient d'acheter et fait feu à cinq reprises, ne laissant aucune chance à sa victime. Lors des débats, cependant, les circonstances atténuantes lui sont accordées pour ce crime passionnel, et Dominique se voit condamné à douze ans de réclusion. Il se montre en prison un détenu exemplaire. «Respectueux, régulier, cellule toujours impeccable», écrit à son sujet l'administration pénitentiaire. Si bien que des permissions ne tardent pas à lui être accordées... La présidente : «Vous avez purgé la moitié de votre peine lorsque vous obtenez des permissions régulières. Et c'est au cours de l'une d'elles que vous rencontrez Stéphanie G. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé ? ? Stéphanie était encore mariée à cette époque, mais nous avons tout de suite sympathisé. ? Vous avez eu des rapports sexuels ? ? Oui. La première fois, c'était dans un petit bois. Et après, chaque fois que je suis sorti en permission, on s'est rencontrés. Elle venait me voir tous les quinze jours au parloir.» Que s'est-il passé alors ? Tout simplement la réplique exacte du drame précédent. Par son amour envahissant, Dominique finit par lasser sa compagne, qui prend ses distances. Cela le rend plus empressé encore et la situation devient insupportable pour la jeune femme. (à suivre...)