Conclusion Ce que l?on peut déduire des témoignages de toutes ces femmes qui ont décidé de parler est qu?une véritable prise de conscience a surgi dans notre société. Agée de 35 ans et mère de deux enfants, Salma continue de s?inquiéter pour sa mère. «Je me réveille la nuit d?un cauchemar, impliquant mon père», indique-t-elle. Nous l?avons rencontrée au service de la médecine légale au CHU de Mustapha accompagnée de sa mère qui, cette fois-ci, est déterminée à porter plainte, après 40 de vie commune avec, dit-elle, «un monstre». «Ma mère vit dans un climat de violence verbale, psychologique et physique. Ce climat, je le connais bien puisque jusqu?au jour de mon mariage, j?ai vécu dans cette atmosphère horrible de cris, de coups de la part de celui qui était censé nous protéger de toute agression. Et moi-même ai été victime lorsque j?essayais d?intervenir pour protéger ma mère.» En fait H. M. répond à la définition classique des hommes abusifs qui souhaitent tout contrôler. La mère de Salma a, depuis son mariage, été dépendante financièrement de lui. Mais il y a quelques années, elle a commencé à se faire un peu d?argent dans la confection en s?associant avec certains magasins. Ce modeste revenu qui était, pourtant, investi dans l?achat des besoins modestes et divers de ses enfants, a fait entrer le père dans une rage folle à la fois verbale et physique. Pour lui, cette forme de prise d?indépendance est ressenti comme une perte de son pouvoir et de son autorité à l?égard de sa femme. «Néanmoins, hier, il est allé très loin, ma mère a réellement frôlé la mort par ses mains. Fort heureusement, l?intervention des voisins a fini par mettre fin à l?hystérie de cet homme que j?ai du mal à appeler mon père», conclut-elle avec amertume. Souhila est, elle aussi, une autre victime de la loi du plus fort. Elle s?est mariée l?été dernier avec Rachid, un agent de sécurité dans une institution étatique. Sans hésitation aucune, elle décide de se confier à nous, pour, dit-elle, «atténuer cette douleur qui ne se limite pas à une violence physique, puisque les agressions que j?ai subies depuis la première semaine de mon mariage sont aussi bien physiques que morales. Et cette autre forme de violence que ma belle-mère a bien prise en charge laissera des traces indélébiles, même après mon divorce, car j? ai bien l?intention de le demander.» Traumatisée par ce qu?elle a enduré, elle affirme qu?«à force d?entendre chaque jour que je suis une bonne à rien, une paresseuse, j?ai fini par perdre confiance en moi et contrôler les plus petits de mes gestes quotidiens. A ce stade, je crois que je n?ai plus rien à faire dans cette famille.» Explicite et détaillé, le témoignage de Fatiha prenait, par moments, l?allure d?un film d?horreur, dont les scènes défilent, difficilement, sous nos yeux. «J?ai été transportée en urgence à l?hôpital de Aïn Taya. C?est une des rares fois où il a oublié de ne pas laisser de traces. Il était rentré très tard ce jour-là dans un état éthylique, il m?a plaquée à terre et m?a coincé la tête contre une porte et il s?est seulement arrêté quand le bas de la porte s?est cassé. N?allez surtout pas croire que le bris de la porte lui a fait prendre conscience de son acte. Non ! il s?est arrêté de frapper à cause des dégâts matériels. Une fois, il m?a poussée contre une porte vitrée qui a alors volé en éclats. Pour le fuir, je me suis cachée dans une petite cave d?un voisin, en vain. Il n?a cessé son acte de folie que lorsque la porte s?est en partie défoncée sous le poids de son corps.»