Minute de passion Chérif W. est inculpé d?attentat à la pudeur sur mineure de moins de seize ans... Il risque gros, très gros même, car le code pénal a prévu des articles qui punissent ce genre de délit ; ils ne sont pas tendres. A Rouiba, Mme Guerfi étant en congé de détente, c?est sa jolie cons?ur Mériem Bellih qui préside la section détenus. L?inculpé est dans un état lamentable malgré le renfort de qualité en la personne de Me Benouadah Lamouri, son avocat. A. M., quatorze ans et des poussières, est la victime. Elle est même maman d?une poupée fort belle depuis trois mois. Les futurs beaux-parents éventuels sont aussi aux côtés de leur poupée. Chérif a les mains moites, signe d?un stress insupportable. La juge le délivre en lui demandant si le bébé était de lui. La face grise qu?amochait une barbe hirsute, l?air hébété, le regard vide, il répond sans regarder personne, la tête en l?air, qu?il aime A. M., qu?il est coupable d?amour ? l?expression est de lui, comme le bébé. Il assure qu?il l?aime depuis 2001 et qu??il désire ardemment se marier avec elle, elle qui s?est laissée prendre sans contrainte ni violence : «Cela a été très doux. Elle a apprécié, elle me l?a dit.» «Elle vous le confirmera», ajoute-t-il, sûr de lui. Me Bellih s?adresse au papa de la victime : «Il faudra réfléchir pour donner le OK de l?union.» Presque à contrec?ur, le tuteur dit oui et énumère ses conditions comme s?il était dans un salon, chez lui, assis autour d?un thé et de douceurs. «D?abord elle doit habiter toute seule. Il faut un trousseau digne de la jeunesse de mon enfant», murmure-t-il en ajoutant que les frais d?entretien du bébé ne sont pas rien. La présidente a hoché la tête lorsqu?elle a entendu l?évocation de l?obtention d?un appartement comme pour signifier : «Un logement dans la région en plein après-21 mai 2003, vous pensez donc, monsieur...» Avant que le procureur n?ouvre la bouche, Me Lamouri suggère la libérté provisoire pour permettre à l?inculpé de régulariser sa situation vis-à-vis de la jeune maman, dont le silence prouvait qu?elle était d?accord avec toute la version donné par Chérif. Le pourtant fougueux Ahmed Mihoubi laisse le soin au tribunal de statuer. En tous cas, il ne s?oppose pas à la demande du conseil. Le détenu retrouve la liberté après que la juge eut accordé un délai raisonnable pour la présentation au tribunal de l?acte de mariage : «Après, nous verrons la suite du procès», balance Me Bellih qui a fait semblant de ne pas avoir entendu l?ultime crainte du papa, celle de voir Chérif lui jeter sa fille dans les bras parce que la justice lui aura tendu la perche pour qu?il répare sa bêtise. «Oui, mais qu?a fait le papa pour éduquer sa fille ?» Voire.