D'un enfant à l'autre, on ne sait plus où porter le regard. Squelettiques, certains gosses semblent déjà de petits vieillards apathiques, le ventre gonflé et n'ayant plus que la peau sur les os. Les yeux d'une petite fille aux cheveux décolorés sont envahis par les mouches et le pus. Parfois, une mère jette un regard implorant et tend son bébé du bout des bras dès qu'elle voit un Blanc, croyant avoir affaire à un médecin. Au centre de soins ambulatoires, installé chaque mardi et vendredi dans l'hôpital du district de Maradounfa, un village reculé à la frontière avec le Nigeria, le même drame se joue depuis plusieurs semaines. Dans la cour commune, c'est un spectacle de honte et d'effroi. Une centaine de mères s'entassent, attendant leur tour, le regard plein d'incompréhension, au milieu des gémissements, des cris et des pleurs. Sur leurs genoux, des enfants en train de mourir de faim, tous présentant des signes de malnutrition avancée. Elles sont venues des villages alentour, au prix de plusieurs heures de marche dès le milieu de la nuit, avec l'espoir de sauver leur enfant malade. Comme Adicha, une mère de 38 ans. Son petit garçon, Massouda, se meurt. «Il a la diarrhée», explique-t-elle. Les mères bénéficient de médicaments et des rations alimentaires pour nourrir leur enfant. Elles peuvent retourner dans leur village. «On leur demande de revenir chaque semaine pour le suivi médical de l'enfant», explique un médecin. «Les mamans, elles, viennent de la brousse. C'est dur parce qu'elles voient les autres partir avec des rations», compatit Arouna Balki, qui assure que MSF va bientôt mettre en place un programme de distribution de rations. En attendant, les villageois sont ballottés entre famine, espoir et abandon.