Laideur Sur la route menant vers Hammam Melouane, les paysages verdoyants d?antan ont disparu laissant place au béton. Des cités-dortoirs, qui se sont implantées au fil du temps sur les terres fertiles où on plantait toutes sortes de légumes et de fruits, rendent les lieux à peine reconnaissables pour quelqu?un qui n?y a pas mis les pieds depuis quelque temps. Même les vendeurs de fruits et légumes, de part et d?autre de la route menant jusqu?à Hammam Melouane, ne sont plus là. «La commune de Hammam Melouane vous souhaite la bienvenue», indique une plaque et tout de suite après, se dresse un camp en paille. Dans ce camp «familial», des kiosques sont aménagés en restaurants, en fast-foods, en épiceries. Plus bas, plusieurs parkings sont, également, aménagés à ciel ouvert sous un soleil de plomb. Devant le camp installé depuis cinq ans déjà, Dahbia, résidant à Fort-de-l?Eau, aujourd?hui Bordj El-Kiffan à Alger, est assise en compagnie de ses filles et de ses petits-enfants ainsi que de quelques amies du Clos-Salembier (El-Madania). «Nous sommes venus profiter des bienfaits de Hammam Melouane loin du stress de la capitale», dit-elle d?un ton enjoué. Cette sexagénaire parle de l?oued comme s?il s?agissait d?une personne. Elle en parle comme d?un compagnon. «Il me parle et je lui parle. Nous nous comprenons. Je m?assois dans son eau et nous dialoguons, sans nous lasser. Je tire, à chaque passage ici, une moralité. Je ressens, à chaque fois que je viens ici, un apaisement. Je suis à l?aise, confiante et sereine dans ce lieu magique, surplombé par la montagne des deux côtés et entouré de pierres, de galets ou de rochers, sur une musique au ruissellement de l?eau de l?oued. C?est ainsi depuis plus de 20 ans, sauf pendant la période du terrorisme. Cela me manquait terriblement.» Elle se remémore ces instants de jeunesse passés au bord de l?oued, contemplant un paysage féerique et pourquoi elle y venait : «Avant, je venais pour soulager mes migraines.» A l?époque, se souvient-elle, «après le déjeuner, nous faisions un pique-nique royal que je préparais chez moi, nous sirotions un délicieux café avec un pot de h?baq (basilic) au milieu du tapis, à même le sol (un long soupir s?ensuit). Ce qui ne se fait plus, le c?ur n?y est plus et la réalité du quotidien ne le permet plus.» «Maintenant, c?est pour me détendre et profiter d?une journée de plaisir et de bonheur. J?emmène mes trois filles, leurs enfants et nos amies par bus, dès 7h, et en deux heures nous arrivons, impatientes de plonger dans cette eau bénite. C?est le deuxième jeudi consécutif que nous revenons ici, car l?endroit est accueillant et les jeunes concessionnaires de ce camp de paille sont corrects, honnêtes et très serviables. Nous nous sentons en sécurité. Macha Allah ! Les jeunes sont très efficaces et volontaires. De plus, c?est un endroit où seules les familles sont admises. Pour 200 DA la chambrette, vous avez la paix toute la journée. L?air est frais et il creuse l?appétit, l?eau est bonne et une paix intérieure vous envahit jusqu?au moment du départ. Nous reprenons la route vers 16h ou 17h.» Pour clore son récit, Dahbia reprend un proverbe bien de chez nous : «Moralité de l?histoire, rien n?est éternel, seules les pierres de l?oued y restent.»