Résumé de la 1re partie n Autrefois, dans les campagnes, certains espaces, comme les souks, étaient réservés exclusivement aux hommes. Elle s?appelait donc El-Yaqut. Joli prénom signifiant «perle» mais qui, hélas, était loin de convenir à celle qui le portait. Les gens qui l?ont connue disent, en effet, qu?elle était laide et même très laide. Disons plutôt qu?elle ne se conformait pas aux canons de la beauté d?alors : elle était très brune, presque noire, alors qu?une femme «belle» devait être blanche ; elle était maigre comme un clou alors que la règle était à la femme grassouillette et corpulente ; elle était grande de taille alors qu?une femme se devait d?être petite? On dit aussi qu?elle avait les traits d?un homme : front bombé, nez aquilin, mâchoire forte, sourcils touffus? On comprend qu?une femme affligée de tous ces traits n?ait pas trouvé de mari. Même pas un veuf ou quelque vieillard édenté que l?on marie, à la fin de sa vie, pour qu?il ait quelqu?un qui s?occupe de lui ! Pourtant c?était une brave fille qui avait le c?ur à la tâche. Elle travaillait durement, s?occupant de tout. Elle s?acquittait de toutes les tâches ménagères, balayant, lavant, cuisinant? C?est elle qui, une fois par an, refaisait la plate-forme de la maison, préparant l?enduit à base de bouse de vache ; elle peignait aussi les murs, réparait la toiture en prévision de l?hiver rigoureux dans la région. Elle refaisait quotidiennement la litière des bêtes, trayait les chèvres et les vaches, conduisait l?âne au pâturage. A la saison des olives, elle gaulait et chargeait les fruits dans les grands de sacs de jute qu?elle portait au moulin. Elle préparait elle-même les réserves de fruits et légumes secs de la maison, faisant sécher fèves, petits pois et figues. Et le soir, quand elle avait fini de travailler, elle s?emparait de longues fibres végétales et tressait nattes, éventails et chapeaux qu?elle allait vendre à quelques marchands, faisant ainsi entrer de l?argent à la maison. Il faut dire qu?il n?y avait pas d?homme à la maison. Le père était mort, quelque part, dans une mine de France et il n?avait même pas assez d?argent pour qu?on rapatrie son corps. Les quatre enfants laissés sont tous des filles, les garçons étant morts en bas âge. Comme El-Yaqut était l?aînée, c?est donc sur elle qu?a pesé la responsabilité de la famille. «Yaqut, tu travailles trop ! lui disait sa mère, laisse-moi t?aider, laisse tes s?urs te donner un coup de main ! ? C?est un travail fatigant, répondait-elle, je le ferai moi-même !» Sa mère n?avait pas une très bonne santé et ses s?urs, disait-elle, devaient se ménager, ne pas aller aux champs pour garder la fraîcheur de leur teint, ne pas gauler les olives pour ne pas écorcher leurs mains, ne pas puiser l?eau pour ne pas courber leur taille? Ses s?urs devaient se marier ! Elles se sont effectivement mariées, l?une après l?autre. C?est Yaqut qui a préparé les trousseaux, qui a organisé les fêtes? «Et toi, ma fille, disait sa mère, quand te marieras-tu ? Je voudrais tellement te voir casée, toi aussi ! ? ça viendra», disait la jeune femme. Mais aucun homme ne venait demander la main de la pauvre Yaqut? (à suivre...)