Résumé de la 6e partie n El-Yaqut a trouvé le moyen de se rendre au souk pour vendre ses produits de vannerie : se déguiser en homme? Quelques jours après, avant même que le soleil ne se lève, elle quitte la maison. Elle a revêtu le pantalon et la veste de son père, mis ses chaussures et jeté sur ses épaules son vieux burnous. Elle a pris également sa canne, une solide canne taillée dans une branche d?oléastre. Quant à sa marchandise, les chapeaux et autres produits, elle les a enfilés et les porte en un immense monceau sur le dos. La voilà donc partie ! Le marché du village est à peine à quinze minutes de marche, mais ce n?est pas là qu?elle se rend. Elle risque, en effet, de rencontrer des gens qu?elle connaît et d?être reconnue. Elle pousse donc plus loin, à plusieurs kilomètres de là? Elle n?a plus vingt ans, mais ses jambes sont solides et elle ne ressent nullement la fatigue. Au contraire, elle est excitée par l?idée d?entrer dans un marché et de se livrer au négoce ! Quand elle arrive, le marché est déjà en place. Des dizaines de vendeurs ont déposé leurs marchandises et ont commencé à crier pour attirer les clients qui ne sont pas encore nombreux, mais ils ne tarderont pas à arriver et le marché s?animera. El-Yaqut est éblouie. Comme beaucoup de marchands viennent de loin, on la remarque. «El Hadj, mets-moi un peu plus loin !» Elle obéit en souriant : celui qui s?adresse ainsi à elle la prend pour un homme ! «Et ici, dit-elle, je peux mettre ma marchandise ? ? Oui, El-Hadj !» Elle s?installe. «Tu viens de quel village ?», demande le marchand. El-Yaqut donne le nom de son village. L?homme regarde les produits qu?elle étale. «Hé, dis donc, vous faites de belles choses, chez vous ! C?est ta femme qui a tissé ces objets ? ?Oui, dit El-Yaqut en souriant, ma femme, El-Yaqut !» L?homme rit. D?autres, qui ont entendu l?échange, rient également. Ici, on n?a pas l?habitude d?entendre les hommes prononcer le nom de leur femme en public ! Mais ils sont loin de se douter que El-Yaqut, qu?ils prennent pour un homme, est une femme. Quelques instants après, le marchand interpelle El-Yaqut ; comme il ne connaît pas son nom, il s?écrie : «Ecoute, toi, El-Hadj? El-Hadj El-Yaqut !» Et le nom va lui rester : El-Hadj El-Yaqut ! El-Yaqut fait mine, au début, de se fâcher, mais elle apprend que les marchands ont pris l?habitude de s?appeler par des sobriquets. Elle accepte donc le sien. Désormais, une fois par semaine, elle se rend dans ce souk, où bientôt, tous les marchands et les clients la connaissent et l?appellent familièrement El-Hadj El-Yaqut. Elle vend sans difficulté ses produits, puis achète ce dont elle a besoin et rentre chez elle, à la fin de la journée, pour être sûre de ne rencontrer personne. Le souk, c?est pour elle une seconde jeunesse. Tout ce qu?elle regrette, c?est de ne pas avoir eu l?idée du déguisement plus tôt. Elle n?aurait pas dépendu des gens aussi longtemps ! (à suivre...)