Décor n Des parfumeries haut de gamme, des restaurants offrant des dîners dansants, des galeries d?art, des cinémas et des librairies, le tout richement décoré. A l?Etat, il a coûté les yeux de la tête. Une gigantesque fresque pour doter Alger d?un monument comme la Tour Eiffel à Paris, la Statue de la Liberté à New York et le Corcovado pour Rio de Janeiro. Des milliards pour du prestige, dit-on, quitte à évacuer des centaines de familles qui élisaient domicile dans les lieux, dans des conditions lamentables que seul un bidonville nommé El-Mahçoul pouvait procurer, et ce bien avant l?indépendance. Le colossal monument est érigé en l?espace de quelques mois seulement avec un travail d?arrache-pied du maître d?ouvrage canadien et des milliers d?ouvriers algériens. L?érection des trois palmes juxtaposées de 92 mètres de hauteur chacune était confiée, en effet, à une société canadienne Lavalin en l?occurrence, devenue par la suite un conglomérat. La belle et imposante fresque sera immortalisée quelques années plus tard par Peter Ustinov dans son Défi algérien, un documentaire fleuve, richement coloré pour les besoins du trentième anniversaire du déclenchement de la Révolution. Au-dessous du monument, une immense esplanade et trois pavillons où l?on trouve des boutiques flambant neuf qui, dès leur première année, ont commencé à contenir des flots humains venus, pour la plupart, en aventuriers et découvreurs. Des parfumeries haut de gamme, des restaurants offrant des dîners dansants, des galeries d?art, des cinémas et des librairies, le tout au décor riche et en couleurs. Riadh El-Feth devient alors un haut lieu de pèlerinage. On venait de partout. Des quartiers les plus défavorisés comme des quartiers chics et huppés. Il y avait ceux qui faisaient et font des achats princiers et ceux qui y vont pour uniquement se rincer les yeux en solo, en couple ou en groupe. L?afflux était tellement important que l?on ne trouvait même pas une place pour garer sa voiture dans le parking. De nuit comme de jour, le monument était assailli par les gens de tout bord. Le monument fut aussi une escale importante pour ceux qui n?habitaient pas Alger. Ils se payaient même le luxe d?une photo-souvenir prise au pied du colosse et il était même impensable de visiter Alger sans cette escale. Vive les émigrés ! l Aujourd?hui, il n?en reste rien. L?esplanade n?est plus qu?un espace fantomatique. On ne voit de loin que quelques silhouettes faisant les cent pas. Les trois niveaux ne connaissant la visite de petits groupes que les week-ends. «Vivement l?été, les émigrés sont les seuls à venir visiter les lieux fréquemment. Sinon pour le reste de l?année c?est la traversée du désert», déclare un restaurateur qui dit être obligé de liquider presque la totalité de son effectif par-ce qu?il n?a pas de quoi les payer. Les quelques dîners dansants ne suffisent pas, à eux seuls, à drainer, en soirée, des clients de plus en plus récalcitrants et qui préfèrent aller ailleurs. Une propriétaire de magasin de produits cosmétiques regrette, pour sa part, les beaux moments de jadis. «Il me faut maintenant une semaine, voire deux pour faire la recette d?une journée des années 1980», dit-elle avec amertume. Un vendeur de cassettes audio et vidéo, dresse le même constat. Pour lui, Riadh El-Feth n?est plus ce qu?il était.