Divergences n De Pompidou à Mitterrand, le secret médical a prévalu. Aujourd'hui, les politiques français s'opposent sur le principe de transparence. Sur la question délicate de la santé présidentielle, la ligne de fracture divise parfois les alliés les plus proches en France. Ainsi, au Parti socialiste, l'affaire rapproche Hollande de son rival Laurent Fabius. Pour l'ancien Premier ministre, «il n'y a aucune raison d'Etat pour ne pas dire les choses telles qu'elles sont». C'est l'exact opposé du point de vue «mitterrandiste» incarné par certains fidèles de l'ancien Président français, comme Jack Lang ou le sénateur Michel Charasse, pour qui «le chef de l'Etat ne se dépouille pas en entrant à l'Elysée de ses droits du malade. Il ne fait pas don de son intimité, de ses souffrances à la France». Bernard Kouchner juge, lui aussi, que «tout le monde a droit au secret médical». En revanche, Hollande et Fabius reçoivent le soutien de François Bayrou, qui déplore «des secrets d'Etat jalousement gardés». A l'UMP, le député Dominique Paillé propose, lui, de créer un collège composé de médecins désignés par chaque formation politique, qui serait chargé de vérifier que le Président est bel et bien en état d'assumer sa fonction. En fait, aucun texte officiel n'encadre le suivi médical du président de la République française. L'article 7 de la Constitution française prévoit tout juste un cas «d'empêchement» qui doit être «constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le gouvernement». Le dispositif n'a jamais été mis en ?uvre. En 1974, les Français ont vu l'état de santé de Georges Pompidou se dégrader à chaque apparition sans qu'aucune information officielle ne soit livrée. Les derniers jours, le Président à l'agonie n'était plus capable de gouverner et les décisions étaient prises par son très proche entourage. En 1981, Mitterrand promit de publier un bilan semestriel. Quelques mois plus tard, il apprenait qu'il était atteint d'un cancer de la prostate. Pendant onze ans, les communiqués masqueront la vérité. Depuis, la suspicion entoure les déclarations officielles. Moins que la transparence, «la seule chose qui compte, c'est de savoir si le Président est capable ou pas d'exercer ses fonctions», estime le constitutionnaliste Guy Carcassonne. En 1995, un petit groupe informel de constitutionnalistes et de médecins a élaboré un projet de commission médicale ad hoc. Composée des présidents de l'Académie de médecine, du Conseil de l'ordre et de la conférence des doyens des facultés de médecine, elle serait chargée d'examiner le chef de l'Etat une fois par an «si des circonstances exceptionnelles le justifient». Seul le président du Conseil constitutionnel aurait connaissance de ses conclusions, à charge pour ce dernier, quand l'état du Président l'exigerait, de saisir les autres membres du Conseil pour décider l'empêchement. «L'objectif est d'arriver à un système où, tant que les Français n'entendent parler de rien, c'est qu'il n'y a pas de problème. Et quand un problème survient, il est réglé par le Conseil constitutionnel», résume Guy Carcassonne.