Récit n C?est avec beaucoup d?émotion que Leïla Sebbar renoue avec son passé, raconte son Algérie d?ici et de là-bas. Paru aux éditions Bleu autour, Mes Algéries en France est un journal où viennent se mêler par les mots, les souvenirs d'une rive à l?autre, de l?Algérie à la France, et dans lequel Leïla Sebbar, romancière, nouvelliste et essayiste, se dévoile, raconte sa vie en France, son enfance en Algérie, son entourage ; elle effectue une exploration ? subjective ? de son passé, et ce, en dévoilant des visages, en dépeignant des paysages, en exhumant des archives historiques (cartes postales et documents de tout genre), en exhibant des photographies ainsi que des affiches. Elle raconte aussi des récits intimes et des «romans familiaux». Elle dresse des portraits. Le tout répond, dans le désordre de l?espace et du temps, à ce besoin fébrile de récupérer son algérianité. Autant de signes et d?empreintes venant en abondance tisser l?imaginaire, les lieux connus et les existences ? insolites ? vécues par l?écrivain et dont l?exil l?a séparée. L?exil a donc déplacé son Algérie de l?autre côté de la Méditerranée, en France où elle s?est recréé, par le souvenir, une nouvelle Algérie devenue plurielle. Leïla Sebbar, pour cela, ne se contente pas de chercher dans sa mémoire, d?observer les archives pour les faire parler, ou encore d?interroger l?histoire, les livres, les photos?, elle effectue un périple, un pèlerinage dans ce qui était sa vie d?autrefois pour se la remémorer et renouer avec sa terre natale. Leïla Sebbar retrouve son enfance, mais seulement des bribes. Car l?Algérie, à l?époque où elle l?a quittée, a bien changé, ne laissant dans ce récit de vie que quelques fragments de son histoire. Le reste, quant à lui, demeure désormais dans son imaginaire, seulement dans les représentations qu?elle se fait de son réel, de sa vie passée, et cela à l?aide de sa mémoire, toutefois lointaine. Heureusement qu?il y a le souvenir auquel on fait appel pour compléter le «déficit mémoriel». Leïla Sebbar en souffre. Ces changements provoquent en elle une rupture, un déséquilibre. L?exil accentue cette faille, rend le sentiment de souffrance plus aigu, surtout qu?elle ne parle pas la langue de son père (l?arabe). Cet état de fait place Leïla Sebbar dans une situation à la fois conflictuelle, complexe et passionnelle. Un rapport pathologique. Passionnelle parce qu?en dépit de cette rupture, elle affectionne son Algérie qu?elle n?a pas oubliée, mais dont elle est séparée. Seul un lien la rattache à cette terre dont elle ne parle pas la langue : la mémoire.