Nicholas Alkemade, adjudant dans la Royal Air Force, fait comme tous ses camarades pendant la Seconde Guerre mondiale : il se bat. Il n'a rien de particulier : vingt ans, des parents qui tremblent pour lui et une fiancée qui l'attend ; il a hâte que tout cela finisse, mais il accomplit son devoir avec courage, comme tout le monde. Pourtant, c'est lui que le destin a choisi pour devenir le héros d'une aventure unique dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, et même de toutes les guerres. Dès qu'il en a eu l'âge, Nicholas Alkemade s'est porté volontaire pour être mitrailleur de queue sur un bombardier. C'est un poste qui demande un courage certain. Le mitrailleur est séparé de ses camarades par un couloir d'une dizaine de mètres, fermé par une double série de portes. Il est seul, au bout de l'appareil, dans un petit habitacle, sous une coupole de plexiglas. La place qui lui est laissée est si réduite qu'il ne peut même pas avoir son parachute au dos ; celui-ci est rangé un peu plus loin, dans le couloir, derrière la première porte. De plus, c'est un endroit très vulnérable. C'est lui qu'attaquent en premier les chasseurs ennemis. Pour toutes ces raisons, la fonction de mitrailleur de queue est réputée dans la RAF comme «peu enviable»... Nous sommes dans la nuit du 24 au 25 mars 1944. Le bombardier Lancaster de Nicholas Alkemade est au-dessus de son objectif : Berlin. Tout seul à l'arrière, Nicholas observe le spectacle auquel il est habitué maintenant. Au sol, six mille mètres plus bas, c'est le rougeoiement des incendies ; dans le ciel, c'est le ballet des projecteurs allemands qui se déplacent et les gerbes des obus explosifs de la DCA. On a peine à imaginer que ces lumières de feu d'artifice représentent des morts, des milliers de morts. Le Lancaster fait un brusque bond qui coupe un instant le souffle au mitrailleur. Il vient de larguer ses bombes, cinq tonnes d'explosifs. Le lourd appareil amorce un virage sur l'aile : mission terminée, il rentre à sa base. Mais Nicholas reste vigilant. Le trajet du retour est tout aussi dangereux que l'aller. C'est même souvent après le bombardement que la chasse ennemie attaque. Les lumières d'incendie disparaissent peu à peu. C'est de nouveau le soir. Une belle nuit étoilée. Nicholas Alkemade regarde sa montre : il est minuit juste. Soudain, il y a un bruit et un choc. Le bombardier est attaqué. Un Junker allemand apparaît. Il vient se placer derrière l'avion, juste dans l'axe. Nicholas Alkemade voit la barre lumineuse que font ses mitrailleuses qui crépitent sous les ailes. La coupole de plexiglas vole en éclats. Il ressent une douleur à la cuisse. Mais en même temps, il a tiré. Il y a une grande lueur : l'avion allemand explose. Le mitrailleur n'a pas le temps de se réjouir. Le Lancaster vibre. Une traînée de flammes passe devant lui en provenance de l'avant. Pas de doute, un ou plusieurs moteurs sont en flammes. Et l'instant d'après, la voix du commandant lui parvient dans l'interphone : «Je ne vais pas pouvoir tenir longtemps l'air. Sautez, les gars, sautez !» Nicholas Alkemade quitte son siège. Il ouvre la porte qui conduit au couloir où se trouve son parachute. Et il recule... Partout, autour de lui, il y a des flammes. Il est pris à la gorge par une fumée suffocante. Dans son habitacle, séparé du reste de l'appareil, il ne s'en rendait pas compte, mais c'est l'avion qui est en feu. Pourtant, il doit avancer dans cette fournaise pour atteindre son parachute. Au prix d'un dernier effort, il parvient jusqu'à lui, mais lui aussi est en train de brûler. L'enveloppe se consume et la soie, roulée bien serrée, se volatilise en flammèches. Nicholas Alkemade recule précipitamment. Il doit revenir dans son habitacle, s'il ne veut pas être carbonisé sur place. (à suivre...)