Image n Des pagnes de toutes les couleurs s'entremêlent. Dans le brouhaha, une centaine de femmes forment une file d'attente à droite de celle des hommes, qui s'étend jusqu'à la route bitumée. Depuis le matin, le chef du village de Moujia, à 500 km au nord-est de Niamey, assiste à l'enregistrement de chaque personne, préalable indispensable pour commencer la distribution de nourriture, dans quelques jours. «Depuis un mois, nous n'avons pas goûté une boule de mil. Nous ne mangeons plus que des feuilles de tafasa qu'on cueille sur les arbres, ou de l'anza», explique la présidente du groupement de femmes du village. Elle montre un tas de pois jaunis qu'il faut décortiquer pour en extraire une graine au goût très amer qui doit tremper dans l'eau durant cinq jours pour être mangeable ; cette pâte verte constitue le repas habituel, agrémentée d'un peu d'huile et de sel lorsqu'il y en a. Près d'elle, une jeune adolescente porte sur le dos un bébé retenu par un tissu noué autour de la taille. «Nous attendons l'aide promise depuis quarante-cinq jours.» Brusquement, son visage se ferme. «Il me reste un enfant. Deux sont morts ce mois-ci.» Depuis le 14 juillet, un plan d'urgence a été lancé par l'ONU, avec le gouvernement nigérien et les bailleurs réunis au sein du dispositif de gestion et de prévention des crises alimentaires, pour venir en aide à 2,7 millions de personnes souffrant de la famine au Niger. Début septembre, le Programme alimentaire mondial (PAM) annonçait la distribution gratuite, en cours, via des ONG, de 15 000 tonnes de vivres, soit assez de nourriture pour aider plus d?un million de personnes dans les zones considérées comme extrêmement vulnérables. Seulement voilà, le choix de ces zones prioritaires ne fait pas l'unanimité. Le plan de distribution se fonde sur des listes établies par le système d'alerte précoce du gouvernement, d'après un indice de vulnérabilité qui prend en compte la production céréalière, mais aussi d'autres critères comme la pluviométrie, le nombre d'enfants par foyer. «Il est difficile d'avoir des statistiques fiables, le dernier recensement agricole date de 1974», note Boubacar Gaoh Illiassou, directeur régional du développement agricole à Maradi. Si des lacunes dans la répartition ont été relevées, certains élus ne mâchent pas leurs mots pour vilipender les lenteurs et le formalisme d'une aide annoncée depuis la mi-juillet. «Bien sûr, c'est le soulagement, remarque Dodo Abdou Ouhou, le président de la communauté urbaine de Tahoua, dans la zone agropastorale. La récolte 2005 est bonne. Le mil est presque mûr, le haricot aussi. Mais le soulagement vient plus du ciel que de l'aide internationale. Certains villages n'ont encore rien reçu à cette heure. Un ventre qui a faim n'a pas le courage de subir une procédure longue et tatillonne.» Dans de nombreuses communes, on voit des femmes griller les tiges de mil précoce. A la même période, chaque année, cette pratique permet de tenir, quand les stocks sont épuisés. D'autres ont commencé à récolter et se réjouissent de la pluviométrie favorable, cette année.