Position n La famille de Boualem est contre la réconciliation nationale. Pour elle, l?objectif de la démarche est d?enterrer le dossier des disparus. Les filles Salmi, en colère, n?arrivent pas à vivre sans ce frère qui, le 27 avril 1996, «a été emmené par la garde communale, pendant qu?il faisait ses courses. Il a été intercepté et accusé de soutien aux terroristes. Il avait à peine 16 ans. Mon père a reconnu le chef de ces gardes. Boualem a été remis à la Gendarmerie nationale, puis à l?armée. Il sera détenu à Haouch Gros, à Boufarik. Mon père, ma mère et mon oncle sont allés le chercher. Ils ont été menacés. Mon frère est innocent. D?ailleurs, on nous traitait de ??taghout?? et de ??binômes?? (traîtres ). Nous n?étions pas pour l?islamisme, ni pour le terrorisme. Ma s?ur et moi avons été menacées et sommées de quitter l?école, en 9e et 8e années fondamentales. Nous n?étions à l?abri de personne. La journée, les services de sécurité venaient fouiller et la nuit c?étaient les terroristes. Nous étions pris entre deux feux. Depuis la disparition de mon frère, nous n?avons pas vécu un jour heureux», a lancé Lynda, la fille aînée de la famille, avec rage et révolte. «Rendez-vous compte des conséquences de cette disparition sur notre famille ! Notre mère ne vit que pour retrouver mon frère. Elle erre dans les rues et demande la charité. Elle arrête les voitures pour demander aux conducteurs de l?emmener chercher son fils. Parfois, elle rencontre des jeunes de son âge qu?elle prend pour lui. Elle n?a plus sa raison. Quant à mon père, au chômage, il a tenté de se suicider à deux reprises en ingurgitant des médicaments. Sans travail, ni ressources, impuissant et fatigué de rechercher son fils aîné, mon père fuit la maison pour fuir notre réalité», a poursuivi Lynda, en désignant l?état de leur maison où l?eau s?infiltre de partout en hiver. Les s?urs Salmi s?interrogent : «De quelle réconciliation parle-t-on ? Nous, nous ne connaissons que l?injustice sociale que nous vivons au quotidien. Nous n?avons même pas les moyens de prendre un bus pour faire un stage. Il n?y a rien ici. Dans notre localité, le riche s?enrichit et le pauvre s?appauvrit. Les aides sont destinées aux plus riches. Ma jeune s?ur, scolarisée, n?a pas bénéficié des 2 000 DA d?aide aux démunis.» Et de conclure : «C?est de cette réconciliation que parle Bouteflika ? Nous, nous sommes contre. C?est la réconciliation entre eux. Ce n?est pas la nôtre. Leur objectif est clair : ne plus parler des disparus comme mon frère.»