Protestation n Les images de soldats américains brûlant les cadavres de deux talibans présumés ont choqué les Afghans en colère. Ils dénoncent une nouvelle profanation américaine dans leur pays. «Les musulmans d'Afghanistan ne devraient pas rester sans rien faire. Sinon, les Américains deviendront encore plus impudents», estime ainsi Ghulam Farooq, mollah (responsable religieux) d'une des principales mosquées de la ville d'Hérat (ouest). La crémation, dont les images vidéo ont été diffusées mercredi par la chaîne de télévision australienne SBS, a été condamnée par le président afghan Hamid Karzaï et suscite l'embarras de la Maison-Blanche. Cette pratique, interdite par l'islam qui rythme la vie des Afghans, actuellement en plein ramadan, est un boulet de plus aux pieds de l'armée américaine en Afghanistan, régulièrement accusée, parfois par des rapports internes, de détentions arbitraires, de tortures et d?exécutions sommaires. Les soldats américains, identifiés comme des spécialistes des opérations psychologiques, ont déclaré avoir brûlé les corps pour des questions d'hygiène. Selon un journaliste australien «intégré» dans l'unité militaire américaine, et qui a filmé l'incident en octobre, les soldats ont agi par provocation en tournant les corps vers la ville sainte de La Mecque. A Washington, le département d'Etat a reconnu jeudi que ces accusations étaient «graves», alors que la colère monte en Afghanistan, même si aucune action de protestation n'a été organisée jusqu'ici. En mai dernier, une quinzaine de personnes avaient trouvé la mort dans de violentes manifestations organisées après la publication d'un article de Newsweek évoquant un Coran jeté par des soldats américains dans les toilettes de la base de Guantanamo. «C'est un sacrilège à l'islam, et le gouvernement américain doit punir les coupables. C'est dégoûtant», estimait hier Bashir Ahmad, 34 ans, commerçant à Mazar-i-Sharif (nord). «C'est un crime, qui doit être puni. Sinon le peuple musulman se lèvera contre les Américains», assène Shamsuddin, mollah dans une mosquée de Kandahar (sud), berceau des talibans. «Avec ce gouvernement faible, tout le monde peut faire et fait ce qu'il veut», déplore Shaker, un jeune Kabouli de 24 ans, regrettant la sujétion du gouvernement afghan aux Etats-Unis, tombeurs des talibans à la fin 2001 et leur principal soutien militaire (environ 18 000 soldats) et financier. Quelques voix s'élèvent cependant pour dénoncer les rebelles talibans, accusés de nourrir les violences dans le sud et l'est du pays. «Ils ne devraient pas simplement être brûlés, mais enterrés vivants», estime ainsi une femme professeur à Mazar-i-Sharif.