Choix n Que ce soit à Bab El-Oued, dans la Basse Casbah, à Hussein Dey, à Kouba, à El-Harrach ou ailleurs, les cafés trouvent leur heure de gloire durant les nuits ramadanesques. On y refait le monde avec des amis et même des inconnus. Si on cherche un ami, on est sûr de le trouver au café. Si on veut vendre son portable, il n?y a pas meilleur endroit que le café, si on veut tuer le temps, il n?y a pas meilleur cimetière que le café. Les vieux estaminets sont pris d?assaut par des gens incapables de résister à un aimant nommé «qahoua», où l?on trouve de tous les acabits avec une caste de personnes adeptes du fameux «echrab ouahrab» c?est-à-dire ceux qui prennent un café et disparaissent au milieu de la foule sans payer, profitant, il est vrai, du fait que le qahwadji est absorbé par les commandes. Dans ces lieux, la tendance est au service rapide, même sans toilettes. Heureusement qu?il y a le décor nostalgique qui sauve les meubles dans une ambiance festive. A tout seigneur, tout honneur, les vieux sont chaque soirée l?attraction numéro un. Cloués sur des chaises, ils s?adonnent à des démonstrations de force en jouant aux dominos et aux cartes avec ferveur, les nerfs souvent à fleur de peau, devant des spectateurs qui suivent les péripéties du jeu dans le moindre détail. Les amateurs, pour la plupart des jeunes, tentent de faire aussi bien mais, loin des regards, ils se contentent uniquement de la figuration et de quelques chamailleries juvéniles. Heureusement pour les propriétaires des cafés, les jeunes sont très peu avares, quitte à casser la tirelire pour garder l?honneur sauf et aller par la suite prendre son s?hour, la conscience tranquille. Mais dans les cafés maures, il y a aussi et surtout la «tournée». Celle-ci est le rite le plus remarquable durant ce mois sacré. Dans le langage des cafés, la «tournée» est une consommation offerte par un ou deux joueurs qui après avoir perdu la partie, offrent des limonades et des morceaux de qalb ellouz à un groupe plus ou moins large de consommateurs. Après cette première série, le jeu reprend sur les chapeaux de roues avec de la revanche en l?air. Une seconde série est offerte par un ou plusieurs autres participants au jeu, puis par un troisième, et ainsi de suite jusqu'à ce que chacun ait «renvoyé» sa tournée, «payé son coup», «remis la sienne». Le tout sans mot dire. Il suffit uniquement de faire un signe au patron du café et de régler la note presque de la même manière. En silence.