214 cas de suicide et 358 tentatives, tel est le bilan établi en Algérie pour le seul premier semestre 2003. Et la tendance est à la hausse. Onze septembre 2003. Commune de Bir El-Djir, wilaya d?Oran. T. A. , 19 ans, commerçant, s?est donné la mort en absorbant un quart de litre d?acide à proximité de son domicile. Evacué vers l?hôpital d?Oran, il meurt en cours de route. Les raisons sont encore indéterminées. T. A. est le dernier d?une longue liste qui s?étale quotidiennement dans la rubrique «faits divers», mais qui est loin de refléter le nombre réel de suicides tant le phénomène a pris douloureusement de l?ampleur, aux quatre coins de l?Algérie. Avant T. A., des centaines d?autres, des jeunes hommes, des jeunes filles et même des personnes âgées ont attenté à leur vie dans un ultime acte de désespoir. Pour les sociologues de tout bord, le suicide est un acte de destruction de soi. Les statistiques établies périodiquement par la Gendarmerie nationale et la Dgsn laissent présager qu?aujourd?hui l?Algérie est face à un phénomène de société. On ne parle plus d?acte isolé, mais bien d?un mal qui guette tout le monde tant aucune région du pays n?est épargnée. Entre 2000 et le premier semestre 2003 le nombre de candidats au suicide a augmenté sensiblement. De 460 suicides et 512 tentatives pour la seule année 2002, les chiffres sont passés respectivement à 214 et 358 et ce, rien que pour le premier semestre de l?année 2003. Ainsi, si la tendance est à la hausse, tout porte à croire, dès lors, que la fin 2003 battra tous les records ! Les wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa sont les plus touchées. Dans la première, on dénombre le triste chiffre de 32 suicides et 38 tentatives. Dans la seconde, 23 cas de suicide ont été signalés durant la même période contre 43 tentatives. Les grands centres urbains tels Alger, Oran, Annaba et Constantine viennent loin derrière. 10 suicides et 13 tentatives ont été signalés dans la capitale. Oran et Annaba disposent chacune de la triste palme de 7 suicides. Alors que Constantine a connu 5 suicides et 12 tentatives. Les catégories les plus touchées par ce fléau sont les personnes souffrant de troubles psychiques, eux-mêmes découlant de maux socio-économiques. Ce sont des hommes qui ont perdu leur emploi et qui n?admettent pas un autre statut social. Ce sont aussi des garçons victimes de l?échec scolaire, de «l?incompréhension» et parfois de la brutalité des adultes. Sur ce registre précis, l?année 2002 a enregistré le suicide de 36 enfants âgés entre 14 et 17 ans et dont le suicide est devenu, depuis, affaire classée. Les femmes sont, elles aussi, exposées à ce phénomène. L?année dernière, 14 jeunes filles, âgées entre 14 et 25 ans se sont donné la mort, en absorbant, pour la plupart d?entre elles, des produits caustiques, tel le décapant, un produit utilisé dans les ménages. Mais le suicide le plus «médiatisé» aura été celui de la jeune fille qui, à cause d?un mariage raté, s?est jeté du 8e étage du 10e Groupe, à la Place du 1er-Mai, fin juillet 2003. Pour celle-là, le mobile est connu. Pour les autres en revanche, le secret, bien gardé, a été emporté dans la tombe? Les ponts de la mort Ils sont devenus tristement et honteusement célèbres. Le pont du Télemly, à Alger, celui de Tizi Rached à Constantine, ou Guentrat Lahona à Annaba... sont, depuis des années, le lieu des actes macabres de suicide. Des personnes, toutes classes sociales et sexes confondus, se sont donné la mort en se jetant dans le vide, le plus souvent devant des passants médusés et horrifiés par ces gestes en direct.