Résumé de la 50e partie n Après s?être rendu au hammam et avoir revêtu de beaux habits, Kamaralzamân se vit élever par Boudour au rang de grand vizir et attribuer terres et chameaux. Le lendemain, Sett Boudour, toujours sous le nom de roi de l'île d'Ebène, fit venir en sa présence le nouveau vizir et destitua de son emploi le grand vizir ; puis elle nomma Kamaralzamân grand vizir à sa place. Et Kamaralzamân entra aussitôt au conseil et l'assemblée fut dirigée sous son autorité. Pourtant, lorsque le diwân fut levé, Kamaralzamân se mit à réfléchir profondément et pensa en lui-même : «Les honneurs que m'accorde ce jeune roi et l'amitié dont il m'honore ainsi devant tout le monde doivent certainement avoir une cause ! Mais quelle est cette cause ? Les marins m'ont enlevé et conduit ici sous l'inculpation d'une correction infligée à un garçon, alors qu'ils me supposaient l'ancien cuisinier de ce roi. Et le roi, au lieu de me punir, m'envoie au hammam et me nomme aux emplois et tout le reste. O Kamaralzamân, quelle peut bien être la cause d'un événement si étrange ?» Il réfléchit encore pendant quelques instants, puis s'écria : «Par Allah ! j'ai trouvé la cause, mais qu'Eblis soit confondu ! Sûrement ce roi, qui est fort jeune et fort beau, doit me croire amateur de garçons ; et il ne me montre autant d'amabilité qu?à cause de cela seulement. Mais, par Allah ! je ne puis accepter de remplir de pareilles fonctions. Et même je vais aller éclaircir ses projets ; et si vraiment il voulait cela de moi ou de lui, je lui rendrais sur l'heure toutes les choses qu'il m'a données et j'abdiquerais mon emploi de grand vizir et je retournerais à mon jardin !» Et Kamaralzamân alla aussitôt trouver le roi et lui dit : «O roi fortuné, en vérité tu as comblé ton esclave d'honneurs et d'égards qu'on ne rend d'ordinaire qu'aux vénérables vieillards blanchis dans la sagesse ; et moi je ne suis qu'un jeune garçon d'entre les plus jeunes garçons. Or, si tout cela n'avait une cause inconnue, ce serait le prodige le plus immense d'entre les prodiges !» A ces paroles, Sett Boudour sourit et regarda Kamaralzamân avec des yeux langoureux et lui dit : «Certes, ô mon beau vizir, tout cela a une cause et c'est l'amitié que ta beauté a soudain allumée dans mon foie. Car en vérité, je suis captivé à l'extrême par ton teint si délicat et si tranquille !» Mais Kamaralzamân dit : «Qu'Allah allonge les jours du roi ! Mais ton esclave a une épouse qu'il aime et pour laquelle il pleure toutes les nuits depuis une aventure étrange qui l'a éloigné d'elle. Aussi, ô roi, ton esclave te demande la permission de s'en aller en voyage, après avoir remis entre tes mains les charges dont tu as bien voulu l'honorer !» Mais Sett Boudour prit la main du jeune homme et lui dit : «O mon beau vizir, assieds-toi ! Qu'as-tu donc à parler encore de voyage et de départ ? Reste ici près de celui qui brûle pour tes yeux et qui est tout disposé, si tu veux partager sa passion, à te faire régner avec lui sur ce trône. Car sache bien que moi-même je n'ai été nommé roi qu'à cause de l'affection que le vieux roi m'a témoignée et de la gentillesse que j'ai eue à mon tour pour lui. Mets-toi donc au courant de nos m?urs, ô jeune garçon si gentil, en ce siècle où la priorité revient de droit aux êtres beaux ; et n'oublie pas les paroles si justes de l'un de nos poètes les plus exquis...» A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la deux cent trente-deuxième nuit, elle dit : «... Et n'oublie pas les paroles si justes de l'un de nos poètes les plus exquis : ?Notre siècle rappelle ces temps délicats où vivait le vénérable Loth, parent d'Abraham, l'ami d'Allah. Le vieux Loth avait une barbe comme le sel encadrant un jeune visage où respiraient les roses. Dans sa ville ardente visitée par les anges, il hospitalisait les anges et donnait à la foule ses filles en échange. Le ciel lui-même le débarrassa de sa femme fâcheuse en l'immobilisant, figée dans un sel froid et sans vie !? En vérité, je vous le dis, ce siècle charmant appartient aux petits !» (à suivre...)