Résumé de la 5e partie n Trompés par la vieille qui jouait le rôle d?une dévote et d?une pieuse, Belle-Heureuse et Bel-Heureux lui proposèrent de vivre chez eux. La vieille reprit : «Que dirais-tu alors si tu entendais le timbre de sa voix plus fraîche que le bruit de l'eau sous une voûte sonore ? Que ferais-tu si tu voyais ses yeux d'antilope et leurs regards modestes ?» Il s'écria : «Je ne pourrais qu'admirer de toute mon admiration, car, je te le répète, je la destine à notre maître le khalife. Hâte-toi donc dans la réussite !» Elle dit : «Je te demande pour cela un délai d'un mois entier.» Et le gouverneur répondit : «Prends ce délai, mais que ce soit avec résultat ! Et chez moi tu trouveras une générosité dont tu seras satisfaite. Voici, pour commencer, mille dinars comme arrhes de ma bonne volonté !» Et la vieille serra les mille dinars dans sa ceinture et commença, dès ce jour, à visiter régulièrement Bel-Heureux et Belle-Heureuse dans leur demeure et, de leur côté, ils lui montraient de jour en jour plus d'égards et de considération. Or, cet état ne cessant point, la vieille devint la conseillère inséparable du logis. Elle dit donc un jour à Belle-Heureuse : «Ma fille, la fécondité n'a pas encore visité tes jeunes flancs. Veux-tu venir avec moi demander la bénédiction des saints ascètes, des cheikhs aimés d'Allah, des santons et des oualis qui sont en communication avec le Très-Haut ? Ces oualis, ma fille, me sont connus, et je sais le pouvoir immense qu'ils ont de faire des miracles et d'accomplir les choses les plus prodigieuses au nom d'Allah. Ils guérissent les aveugles et les infirmes, ressuscitent les morts, nagent dans l'air, marchent sur l'eau. Quant à la fécondation des femmes, c'est là le moindre des privilèges qu'Allah leur a accordés ! Et tu obtiendras ce résultat rien qu'en touchant le pan de leur robe ou en baisant les grains de leur chapelet !» A ces paroles de la vieille, Belle-Heureuse sentit en son âme s'agiter le désir de la fécondité, et dit à la vieille : «Il faut que je demande à mon maître Bel-Heureux la permission de sortir. Attendons son retour.» Mais la vieille répondit : «Avise seulement ta belle-mère, cela suffira.» Alors la jeune femme alla trouver sa belle-mère, la mère de Bel-Heureux, et lui dit : «Je te supplie par Allah, ô ma maîtresse, de m'accorder la permission de sortir avec cette sainte vieille pour aller visiter les oualis, amis d'Allah, et leur demander leur bénédiction dans leur demeure sainte. Et je te promets d'être de retour ici avant l'arrivée de mon maître Bel-Heureux.» Alors l'épouse de Printemps répondit : «Ma fille, songe à la peine de ton maître s'il rentrait et ne te trouvait pas ! Il me dirait : ?Comment Belle-Heureuse a-t-elle pu sortir ainsi sans ma permission ? C'est la première fois que cela lui arrive !?» A ce moment, la vieille intervint et dit à la mère de Bel-Heureux : «Par Allah ! nous ferons un tour rapide dans les lieux saints, et je ne la laisserai même pas s'asseoir, se reposer, et je la ramènerai sans retard.» Alors la mère de Bel-Heureux consentit à la chose, mais tout de même en soupirant. La vieille emmena donc Belle-Heureuse et la conduisit directement à un pavillon isolé, dans le jardin du palais, l'y laissa un instant seule et courut prévenir de son arrivée le gouverneur qui se rendit aussitôt au pavillon... (à suivre...)