Athanassios D., un homme jovial et moustachu, incarne la joie de vivre. Il a un fils de seize ans, Georges, un beau garçon qui ressemble à son père et dont l'avenir semble tout tracé. Ce soir, jour de fête, Georges est sorti pour s'amuser un peu avec trois autres lycéens de son âge. Ils sont partis en voiture pour aller danser, rire, extérioriser la vitalité de leur adolescence. Soudain, on sonne à la porte. Athanassios, malgré l'heure tardive, va ouvrir en fredonnant un petit air qui lui trotte dans la tête depuis le matin. En voyant sur le seuil un agent de police en uniforme, le petit air s'arrête d'un seul coup. En quelques minutes, après avoir confirmé son identité au représentant de l'ordre, Athanassios voit son univers s'écrouler. Le policier est venu lui annoncer, avec toute la douceur dont il est capable, qu'un malheur est arrivé. Une minute plus tard, il lui avoue que Georges, son Georges adoré, est mort dans un accident de la circulation. Sur le chemin de l'hôpital, Athanassios essaie d'en savoir davantage. Il imagine Georges sur un lit blanc, les médecins et les infirmières s'activant autour de lui. Puis, soudain, il réalise qu'il est en plein rêve. Là-bas, à l'hôpital, aucun médecin ne s'affaire autour de son fils, puisqu'il est mort. Il n'aura pas à guetter le moindre signe de vie : on va lui ouvrir un sinistre tiroir de la morgue. Son Georges, pâle et raide, reposera sous un horrible linceul qui recouvrira son visage à jamais immobile. Athanassios éclate en sanglots. Mais, une fois sa douleur calmée, le père effondré apprend des détails sur les circonstances de l'accident. Le responsable est un policier qui conduisait son propre véhicule. L'enquête révèle que ce policier, Dimitri K., était, inutile de le nier, complètement ivre au moment du drame. Athanassios réalise que sa joie de vivre, que son petit Georges lui a été ravi par un ivrogne qui n'avait pas su résister à l'attrait de quelques verres d'ouzo avant de prendre le volant. Comble de l'horreur, les trois amis de Georges ont été tués avec lui... Les familles se replient sur leur chagrin. Athanassios se jure que justice leur sera rendue. Mais le responsable est policier... Sa situation professionnelle semble le mettre relativement à l'abri de la justice... Athanassios et son épouse, elle-même ravagée par le chagrin, attendent cependant avec une certaine confiance que «justice soit faite»... Peine perdue, semble-t-il. L'affaire traîne en longueur, les années passent. Après quatre mois de détention, l'ivrogne, Dimitri, retrouve une liberté conditionnelle et reprend son travail, indigne représentant de l'ordre auprès de ses concitoyens. Condamné, il fait appel, démarche qui révulse Athanassios. Celui-ci, rongé par la colère et la rancune, avertit qui veut l'entendre qu'il veillera à ce que «justice soit faite». Le procès est encore à venir... Dimitri, le responsable, se fait assister par deux avocats qui n'ont pas de mal à faire valoir, par des arguments spécieux, tout ce qui peut diminuer la responsabilité de leur client. Athanassios, dans son village, à Corinthe, prend certaines dispositions : il fait ouvrir la tombe familiale, celle-là même où Georges repose au bout d'une si courte vie. Il fait nettoyer le caveau et prépare un nouvel emplacement qui, selon ses dires, sera prochainement rempli. Personne ne comprend trop ce qu?il entend par là. On le saura, hélas, très vite. Avril 1993 : la salle d'audience bourdonne. Le procureur vient de prononcer son réquisitoire ; les avocats ont fait valoir leurs arguments ; l'accusé, Dimitri, arbore déjà un petit sourire de satisfaction. On comprend qu'il va s'en tirer avec le minimum et que, dès le soir même, l'affaire jugée, il va reprendre le cours tranquille de sa vie d'ivrogne, sans plus se préoccuper des quatre cadavres d'adolescents qu'il laisse dans son sillage sanglant. (à suivre...)