Dans ce reportage, nous allons vivre de près la traque incessante et harassante à laquelle se livrent les gardes frontières. Les différentes techniques auxquelles ont recours les contrebandiers et l?opacité de leurs réseaux rendent la tâche difficile. Les trois véhicules de la Gendarmerie nationale avec à bord une dizaine d?éléments avancent lentement avant de s?engager sur une route secondaire. Ce n?est que là que l?on aperçoit un panneau indiquant qu?on est au poste frontalier Akid-Lotfi. L?endroit, qui était jadis animé du matin au soir, est désormais désert. Il n?y a pas l?ombre d?un chat à première vue. Les quelques barricades installées à l?entrée du poste frontalier, fermé il y a de cela douze ans, laissent tout de même penser qu?il y a une présence humaine à l?intérieur. Sur instruction de leur chef, les gendarmes s?arrêtent à quelques mètres de là à la vue de deux camions qui venaient de sortir d?un petit hameau sis dans les environs. «Ils viennent certainement de vider le contenu de leurs réservoirs chez l?un des hallaba du coin», prédit Lazhar Berramdane, le jeune et sympathique commandant de compagnie. Avant même qu?il n?arrive à hauteur des gendarmes, le chauffeur du premier camion est invité à ralentir et à s?arrêter du côté droit de la chaussée. Avec sa petite barbe châtain, ses moustaches bien taillées, l?homme qui doit avoir la cinquantaine donne l?impression d?être un honnête père de famille qui travaille dur pour gagner sa vie. Pour autant, les gendarmes, se méfiant des apparences, ne le laissent pas partir après avoir vérifié son permis de conduire et les papiers de son Saviem immatriculé à? Sidi Bel Abbes. Ils lui demandent de leur ouvrir le réservoir de son véhicule pour lever tout doute. D?une contenance de 300 litres, celui-ci est à moitié plein seulement. «Où est l?autre moitié ? Vous venez de la vendre, n?est-ce pas ? Dites la vérité.» Pressé de questions, le chauffeur, après quelques moments d?hésitation, finit par tout avouer : «Oui, je viens de vendre la moitié du carburant qui se trouvait dans le réservoir. C?est ce que je fais régulièrement quand il n?y a pas de boulot. Mon employeur est au courant . Je lui donne à chaque fois sa quote-part. En général, je gagne 1 500 dinars par course. Je sais que ce que je fais est interdit, mais que voulez-vous que je fasse ? J?ai toute une famille à nourrir». N?ayant aucune preuve matérielle contre lui, les gendarmes le laissent partir en fin de compte. «Pour l?arrêter, il faut qu?on le prenne en flagrant délit, la loi est claire la-dessus», explique Lazhar Berramdane avant de se diriger vers le chauffeur de l?autre camion qui vient de s?arrêter sur ordre des gendarmes pour lui poser quelques questions. L?homme, maigre comme un clou, répond confusément aux questions qui lui sont posées. Néanmoins, il refuse catégoriquement d?admettre être un contrebandier de carburant. «Ce camion, je l?ai acheté hier seulement. Je suis resté une année sans travailler car j?étais malade. Non, je ne suis pas un contrebandier», prétend-il. Même s?ils ne le croient pas, les gendarmes ne peuvent rien contre lui. «La loi est la loi, on est obligé de le laisser partir», note leur chef.