Stratégie n Les tribus pro-taliban se sont unifiées contre l'armée pakistanaise et posent un nouveau défi aux efforts du régime qui combat le terrorisme. Unies par leur religion, la défense de leur indépendance et leurs valeurs traditionnelles, les tribus pro-taliban du nord-ouest du Pakistan ont enterré leurs brouilles pour se tourner contre l'armée qui s'efforce depuis près de trois ans de contrôler la région et d'en chasser les militants étrangers. Quelque 5 000 membres de ces tribus pachtounes entretiennent une guérilla quotidienne contre les forces pakistanaises, déployées dans les sept districts de la zone tribale qui borde l'Afghanistan sur 600 km. Attaques à la roquette contre des postes militaires et attentats à la bombe contre des convois se multiplient, tandis que dans de nombreux villages les militants pro-taliban s'efforcent d'imposer la charia et décapitent les locaux suspectés d'«espionner» pour les Américains ou de collaborer avec les autorités. «Le cycle de violences a totalement aliéné les tribus pachtounes qui ont toujours entretenu des liens étroits avec les taliban et avec le leader d'Al-Qaîda Oussama ben Laden», explique un général pakistanais à la retraite. Depuis sa création en 1947, le Pakistan a laissé ces territoires jouir d'une très large autonomie. Mais la chute du régime des taliban en Afghanistan fin 2001 a tout changé. De principal soutien aux taliban, Islamabad est devenu l'allié des Etats-Unis dans leur «guerre contre le terrorisme» et l'armée pakistanaise a commencé à traquer les taliban et leurs alliés d'Al-Qaîda dans leur sanctuaire tribal. Depuis, 70 000 à 80 000 militaires pakistanais sont déployés le long de la très poreuse frontière afghane. Selon l'armée pakistanaise, quelque 300 militants ont été tués dans ce district depuis le début du mois de mars dernier. Ces informations sont néanmoins impossibles à vérifier, la zone tribale est interdite d'accès et les locaux sont soumis aux pressions conjuguées des autorités et des militants islamistes. Selon les habitants, la campagne militaire pakistanaise a ressoudé les deux grandes tribus locales, les Wazirs et les Dawars. Cette alliance des tribus dans le Nord-Waziristan n'est «pas de bon augure pour le gouvernement», affirme, sous le couvert de l'anonymat, un responsable des services de sécurité en rappelant que dans le Sud-Waziristan l'armée avait joué sur les divisions entre tribus pour imposer un fragile retour à l'ordre.