Au commencement était une femme. Une grande prêtresse, du nom de Lois Roden. Une grand-mère, âgée de soixante-sept ans dans les années quatre-vingt de notre ère et amante d'un jeune homme amateur de rock qui aurait pu être son petit-fils. La vie privée de chaque Américain ne regarde en principe personne. Sauf lorsque la grande prêtresse est à la tête d'une secte, fondée par un Bulgare dans les années trente, secte elle-même dissidente des adventistes du Septième Jour. Consacrons quelques lignes à l'histoire des adventistes du Septième Jour, puis de leurs dissidents. La chose est nécessaire, puisque le dernier des dissidents en date a fait la une des journaux du monde entier en 1993, pour s'être nommé lui-même le Christ de Waco... Au commencement des adventistes donc, était aussi une femme : Ellen White, grande prophétesse laquelle prônait la supériorité du samedi (le sabbat juif) sur le dimanche. Le septième jour de la semaine devait donc être le samedi. Il était également prédit aux adventistes le retour imminent du Christ, la fin du monde ayant commencé pour eux en 1844 et devant se conclure dans le chaos environ cent ans plus tard. 1944 aurait dû être la fin du monde ! Raté. De peu, mais raté tout de même. Le Christ, revenu sur terre à ce moment-là, aurait jugé les impies, il y aurait eu la grande bataille dite d'Armageddon, au cours de laquelle Satan et sa bande de méchants auraient été anéantis par les justes. Après quoi, la terre purifiée serait redevenue le paradis d'avant Eve... Les adeptes de ce qu'on l'appelle le «millénarisme» prévoient régulièrement la fin du monde à chaque millénaire ; ils y sont bien obligés puisque cela n'arrive toujours pas. Nous ne serions donc pas loin à nouveau de la catastrophe. A noter également que cette histoire reprend aussi régulièrement du poil de la bête à chaque fin de siècle, les chiffres ronds semblant attirer les amateurs de catastrophes universelles. Donc dans les années trente, un premier dissident, bulgare, fonde une secte dissidente des adventistes, laquelle est prise en main dans les années quatre-vingt par Lois Roden, qui prophétise, bien entendu, la fin du monde. Cette grand-mère alerte a un jeune amant, nommé Vernon Howell, étudiant médiocre, mécanicien sans avenir et rocker sans talent. Las, elle a également un fils, George, et lorsque meurt la prophétesse, en 1986, la succession est redoutable, guerrière. Les deux prétendants au trône, amant et fils de la défunte, Vernon Howell et George Roden, se lancent un défi l'année suivante, en 1987. George propose de déclarer prophète unique celui qui ressuscitera un être humain. Pour ce faire, il fait exhumer le corps d'une adepte décédée. Vernon refuse de ressusciter qui que ce soit, et l'affaire se termine par une fusillade entre bandes. Vernon arme une bande de sept mercenaires pour abattre George. Mission ratée. Tout le monde se retrouve d'abord en prison, puis devant un tribunal, où l'on imagine la stupéfaction du jury d'accusation. Quel est le plus fou ? Qui a tiré sur qui ? Pas de témoins. George n'étant ni mort ni blessé, sa plainte est déclarée irrecevable. Quant à Vernon, relaxé faute de témoins de sa tentative meurtrière, il disparaît avec la majorité des adeptes de la secte, qui ont, semble-t-il, donné la préférence au guerrier plutôt qu'au déterreur de cadavres. George Roden insulte le tribunal, appelle les foudres du Seigneur sur eux, en le conjurant de les punir «par l'herpès et par le sida» ! Amen... (à suivre...)