Appréhension n «Quand j'emmène ma mère diabétique en consultation, je prie pour qu'elle n'entende rien des obscénités qui se disent alentour» Il est de plus en plus rare d'être à l'abri de mots grossiers qui fusent sans pudeur ni retenue, d'un crachat qui jaillit directement de la bouche d'un jeune mal élevé ou d'une odeur d'urine suffocante se dégageant des marches d?escaliers «jonchés» à longueur d'années d'excréments déversés la nuit par des clochards et autres qui n'ont pas d'autres endroits où faire leurs besoins. Les écarts de langage, les gestes obscènes, les actes à la limite du bestial, les stationnements anarchiques, les gestes inhumains de certains dans les bus et dont est victime surtout la gent féminine pourrissent, on ne peut mieux, le quotidien. La «hourma»et le «qdar» tendent, depuis des années, à disparaître et le défaitisme et la résignation mal placés ont pris plusieurs longueurs d'avance sur le «nif» légendaire d'antan. Bon nombre de pères de famille s'accordent aujourd'hui à dire qu'il leur est pratiquement impossible de circuler dans les rues, accompagnés de l'épouse, de la fille, de la mère ou de la s?ur tant les grossièretés fusent de partout et les gros mots sortent honteusement des bouches qui vont troquer le beau vocabulaire contre des «bombes» tonitruantes. Le manque de retenue, de pudeur et de civisme font ainsi beaucoup de victimes dont le seul tort est d'être là au très mauvais moment lorsque les obscénités sont prononcées en direct et en intégralité. «Ouled l'hram nous empêchent de marcher en famille. Ils nous imposent leur incivisme comme une règle immuable. Croyez-moi, quand j'emmène ma mère diabétique en consultation, je prie pour qu'elle n'entende rien d?obscène», affirme Dahmane, 32 ans, propriétaire d'un magasin de cosmétiques dans le populeux quartier de Belouizdad. Un retraité rencontré dans le vieux quartier du Ruisseau regrette le bon vieux temps où les gens disaient «fi laman» (partez en paix), en allant et en venant, plaidaient pour la vertu et les bonnes manières. «Les gros mots avaient auparavant leur propre ghetto. Aujourd?hui, ils nous envahissent et nous n?avons même pas le droit de sortir en famille, ni de faire des rappels à l?ordre. L?Etat est absent, la morale aussi. Allah Yestar», regrette-t-il. Pour M Oussedik, professeur de sociologie à Bouzaréah, «les gros mots et les incivilités marquent une rupture entre l?ancien fait de repères et de socles et du nouveau fait d?élucubrations, de folies, d?engagement sans frontières».