Résumé de la 96e partie n Une crise de haine, après avoir perdu des centaines d'hommes sur le champ de bataille, a métamorphosé le roi Aphrodonios. Il fait appel, une seconde fois, à la hideuse vieille Mère-des-Calamités pour le conseiller. Et cette horrible vieille passait la plus grande partie de son temps chez le roi Hardobios, à Kaïssaria ; et elle se plaisait dans son palais à cause de la quantité très grande de jeunes esclaves qui s'y trouvaient, tant hommes que femmes. Mais elle n'avait pu réussir à gagner la sympathie de la svelte Grain-de-Corail, et tous ses artifices avaient échoué contre Abriza ; car Abriza l'avait en horreur à cause de la fétidité de son haleine et de l'odeur d'urine fermentée qui se dégageait d'elle et de la rugosité de sa peau, plus poilue que celle du hérisson et plus dure que les fibres du palmier. Car, en vérité, on pouvait bien appliquer à cette vieille ces paroles du poète : «Jamais l'essence de roses dont elle s'humecte la peau n'abolira la pestilence qui se dégageait de son être !» Mais il faut dire que Mère-des-Calamités était pleine de générosité pour toutes les esclaves qui se laissaient faire par elle, comme elle était pleine de rancune pour celles qui lui résistaient. Et c'est pour son refus qu'Abriza était tellement haïe par cette vieille. Donc lorsque la vieille Mère-des-Calamités fut entrée chez le roi Aphridonios, il se leva en son honneur ; et le roi Hardobios fit de même. Et la vieille dit : «O roi, il nous faut maintenant laisser de côté tout cet encens fécal et toutes ces bénédictions du patriarche qui n'ont fait qu'attirer les malheurs sur nos têtes. Et songeons plutôt à agir à la lumière de la vraie sagesse. Voici. Comme les musulmans s'acheminent, à marche forcée, pour venir assiéger notre ville, il faut envoyer des crieurs par tout l'empire inviter les populations à se rendre à Constantinia, pour repousser avec nous l'assaut des assiégeants. Et que tous les soldats des garnisons se hâtent d'accourir s'enfermer dans nos murs, car le danger est pressant ! Quant à moi, ô roi, laisse-moi faire, et bientôt la renommée fera parvenir jusqu'à toi le résultat de mes ruses et le bruit de mes méfaits contre les musulmans. Car, dès cette minute, je quitte Constantinia. Et que le Christ, fils de Mariam, te garde sauf !» Alors le roi Aphridonios se hâta de suivre les conseils de Mère-des-Calamités qui était, comme elle l'avait dit, sortie de Constantinia. Or, voici le stratagème imaginé par la vieille rouée. Lorsqu'elle fut sortie de la ville, après avoir pris avec elle cinquante guerriers d'élite versés dans la connaissance de la langue arabe, son premier soin fut de les déguiser en marchands musulmans de Damas. Car elle avait également pris avec elle cent mulets chargés d'étoffes de toutes sortes, de soieries d'Antioche et de Damas, de satins à reflets métalliques et de brocarts précieux et beaucoup d'autres choses royales. Et elle avait eu soin de prendre, du roi Aphridonios, une lettre, comme sauf-conduit, qui contenait ceci, en substance : «Les marchands tels et tels sont des marchands musulmans de Damas, étrangers à notre pays et à notre religion chrétienne ; mais comme ils ont fait le commerce dans notre pays, et que le commerce constitue la prospérité d'un pays et sa richesse, et comme ce ne sont point des hommes de guerre, mais des hommes pacifiques, nous leur donnons ce sauf-conduit afin que nul ne les lèse dans leur personne ou leurs intérêts, et que nul ne leur réclame une dîme quelconque ou un droit d'entrée ou de sortie sur leurs marchandises.» (à suivre...)