Résumé de la 95e partie n Le roi et son demi-frère le prince sont face-à-face au milieu du champ de bataille jonché de cadavres. Scharkân n'a pas prêté allégeance à Daoul'makân. Mais Scharkân le vit soudain qui se préparait à s'élancer. Alors vivement il s'approcha de lui et lui dit : «O mon frère, tu ne dois pas exposer ta personne aux chances de la lutte, car tu es nécessaire au gouvernement de ton empire. Aussi, dès maintenant, je ne vais plus m'éloigner de toi, et je me battrai seulement à côté de toi, en te défendant moi-même contre toutes les attaques !» Or, pendant ce temps, les guerriers musulmans, commandés par le vizir Dandân et le grand chambellan, au signal convenu, se développèrent sur un demi-cercle et coupèrent ainsi à l'armée chrétienne toute chance de salut du côté de ses navires, sur la mer. Aussi la lutte engagée dans ces conditions ne pouvait plus être douteuse. Et les chrétiens furent exterminés terriblement par les soldats musulmans, tant kurdes que persans et turcs et arabes. Et ceux qui purent échapper furent en bien petit nombre. Car il y eut jusqu'à cent vingt mille porcs d'entre eux qui trouvèrent la mort, tandis que les autres réussirent à s'échapper dans la direction de Constantinia. Voilà pour les Grecs du roi Hardobios ! Mais pour ceux du roi Aphridonios, qui s'étaient retirés sur les hauteurs avec leur roi, sûrs d'avance de l'extermination des musulmans, quelle dut être leur douleur de voir la fuite de leurs semblables ! Or, ce jour-là, outre la victoire, les Croyants gagnèrent une quantité énorme de butin. D'abord tous les navires, à l'exception de vingt qui avaient encore des hommes à bord et qui purent regagner Constantinia pour annoncer le désastre. Ensuite toutes les richesses et toutes les choses précieuses accumulées dans ces navires ; puis cinquante mille chevaux avec leur harnachement ; et les tentes et tout ce qu'elles contenaient en armes et en vivres ; et enfin une quantité incalculable de choses que nul chiffre ne saurait rendre. Aussi leur joie fut-elle très grande et remercièrent-ils Allah pour la victoire et le butin. Et voilà pour les musulmans ! Mais pour ce qui est des fugitifs, ils finirent par arriver à Constantinia, l'âme hantée par les corbeaux des désastres. Et toute la ville fut plongée dans l'affliction, et les édifices et les églises furent tendus des draps du deuil, et toute la population se massa en groupes de révolte et lança des cris de sédition. Et la douleur de tous ne put qu'augmenter en ne voyant revenir de toute la flotte que vingt navires et de toute l'armée que vingt mille hommes. Alors la population accusa ses rois de trahison. Et le trouble du roi Aphridonios fut tel et sa terreur telle que son nez s'allongea jusqu'à ses pieds et que le sac de son estomac se retourna... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète selon son habitude, se tut. Quand vint le soir, elle dit : Son nez s'allongea jusqu'à ses pieds et le sac de son estomac se retourna, et son intestin se relâcha et son intérieur s'écoula. Alors il fit appeler la vieille Mère-des-Calamités pour lui demander conseil sur ce qui lui restait à faire. Et la vieille arriva aussitôt. Or, cette vieille Mère-des-Calamités, cause réelle de tous ces malheurs, était vraiment une horreur de vieille femme : rouée, perfide, pétrie de malédictions ; sa bouche était putride ; ses paupières rougies et sans cils ; ses joues ternes et poussiéreuses ; son visage noir comme la nuit ; ses yeux chassieux ; son corps galeux ; ses cheveux sales ; son dos voûté ; sa peau ratatinée. Elle était une vraie plaie d'entre les pires plaies et une vipère d'entre les plus venimeuses. (à suivre...)