Quête Intéressée par l?histoire d?Imma Bnet, Laurence Huet remonte dans le temps à l?aide de témoignages et d?archives pour lever le voile sur un personnage à la fois réel et légendaire. InfoSoir : Comment est né ce projet ? Laurence Huet : Il y a un peu plus d?un an, à Toulon, j?ai fait connaissance avec El-Hachemi Mokrane, qui était un peu troublé de se trouver à Toulon, parce qu?il se rendait compte que son ancêtre potentielle, Imma Bnet, avait quitté le port de Toulon en 1802 à bord d?un bateau. Et il m?a raconté l?histoire d?Imma Bnet, une histoire dont le personnage m?a intriguée. En quoi ce personnage est-il spécifique ? Ce qui est intéressant dans la figure d?Imma Bnet, c?est qu?elle est une chrétienne qui a épousé les m?urs de la société dans laquelle elle a atterri, et la plupart des gens disent qu?elle s?était convertie à l?islam. Et nous, ce qui nous intéresse, c?est de savoir comment, en 1802, une chrétienne va se convertir, se transformer, s?adapter jusqu?à être vénérée ; certains disent qu?elle est devenue une femme marabout de son vivant, d?autres disent même qu?elle était intégrée dans la djemaâ, le conseil des sages, ce qui semble extraordinaire pour une femme, à l?époque. Quel est le but de cette recherche ? Interroger la population de Beni Haoua sur la véracité de cette légende, de ce personnage. Comment ce mythe reste -t-il présent dans les croyances, les pratiques quotidiennes ? Interroger sur cette capacité de transformation, sur l?idée, déjà, du métissage. C?est aussi savoir comment elle s?inscrit dans la réalité, dans la mémoire de la population civile. Est-ce qu?elle est encore vivante, qu?a-t-elle subi comme altération ? Notre tâche est de reconstituer cette réalité, réévaluer cette existence sans pour autant extrapoler. Comment s?est effectué le travail de recherche ? C?est un travail fait par des chercheurs algériens sur des documents d?archives français de l?époque. Mais, finalement, avec très peu de documents, on se heurte toujours à une somme d?incertitudes. On espérait entrer en contact avec un imaginaire, avec plus d?anecdotes, de choses vécues, mais, là encore, on s?est heurté à quelques difficultés dont on tiendra compte dans le livre que l?on prépare. Il n?y a pas d?imaginaire autour de ce personnage, il y a des notions vagues sur une histoire dont les gens connaissent vraiment très peu de choses. Ce dont la population locale se souvient, c?est qu?il y a eu des femmes qui sont venues vivre là et qui ont fait du bien, c?est ce qui revient toujours, et surtout qui ont été vénérées. On a eu donc des difficultés à recueillir des éléments fiables de mémoire pour vérifier cette histoire et appuyer ce personnage. Quel enseignement peut-on tirer de ce «mythe» ? Un enseignement, peut-être pas pour le moment, mais, en revanche, il y a lieu de s?interroger sur la capacité d?oubli et de mémorisation. Est-ce un oubli véritable ? Est-ce un défaut de transmission d?une génération à une autre ? Ou est-ce enfin une volonté de vivre vraiment dans le présent, de se tourner vers l?avenir et de penser qu?on peut construire quelque chose sans se référer au passé ?